Architectures modernes à Flaminio (7/12). Le ponte Milvio - Quartiers Flaminio et Parioli.

La cité olympique - Le Ponte Milvio - La mode était aux cadenas

Pour rejoindre le ponte Milvio, il faut emprunter une de ces larges voies routières dont le XXe siècle fut friand, la viale Tiziano, qui longe l’ancien village olympique. Celui-ci comprenait 1 300 logements qui furent ensuite loués ou vendus. Les malfaçons furent si nombreuses qu’une enquête judiciaire dut être faite suite aux nombreuses plaintes qui aboutirent à la condamnation de plusieurs entrepreneurs. 

« Nous avons eu tant de problèmes avec notre logement que nous ne nous sommes vraiment pas préoccupés de savoir qui y avait alors dormi. Et nombreux sont les locataires qui pensent comme nous, qui vivent pendant des années dans la crainte que les murs ou les plafonds ne s'effondrent, qui s'intéressent vraiment peu à de telles considérations »[1].

Le premier pont de la via Flaminia sur le Tibre fut construit par le consul Cauïs Nero, en 206 av J.C. Il fut remplacé en 115 av J.C par un pont en maçonnerie. Rénové à plusieurs reprises, sa reconstruction en 1805 fut confiée à Guiseppe Valadier, l’architecte de la piazza del Popolo. Las, pour défendre Rome contre les troupes françaises venues rétablir le pape après la proclamation d’une République romaine, Garibaldi fait sauter plusieurs arches du pont en 1849. Depuis 1978 le pont est réservé aux piétons. Dans les années 2000, il connut un épisode particulier pendant lequel il fut beaucoup fréquenté par les amoureux !

A partir de 2006, les lampadaires du pont se sont couverts de cadenas accrochés les uns aux autres. C’est que, cette année-là, était paru un roman de Federico Moccia devenu un véritable « best-seller » avec plus d’un million d’exemplaires vendus, « Ho, Voglia di te » [2]. Dans le récit, un jeune couple décide de symboliser son amour en posant un cadenas sur un lampadaire du Ponte Milvio et en jetant la clef dans le Tibre pour souligner leur engagement éternel. L’auteur aurait avoué avoir lui-même placé le premier cadenas sur un lampadaire du pont pour laisser croire à son histoire. C’est ensuite devenu un rite aussi important que de jeter des pièces dans la fontaine de Trevi au point, qu’en 2007, un des lampadaires a fini par ployer sous le poids des cadenas et qu’il fallut le remplacer. La municipalité a alors posé de fortes barres métalliques qui permettaient de soulager les malheureux lampadaires. Cette nouvelle pratique s’est répandue comme une traînée de poudre. Les cadenas sont apparus sur les autres ponts de Rome, certains devant estimer que le Ponte Milvio était trop difficile d’accès, mais aussi sur tous les ponts du monde. S’ils étaient très nombreux sur la Passerelle des Arts à Paris, j’en avais même repéré sur le pont Charles de Gaulle qui n’est pourtant pas des plus romantiques. Mais, tout le monde n’a pas les moyens d’aller à Rome pour y déposer le symbole d’un amour éternel, un pont est un pont !

Bien évidemment, cette pratique n’avait pas échappé aux vendeurs à la sauvette, ou du moins aux « grossistes » qui alimentent leurs revendeurs en marchandises diverses selon les caprices de la météo ou de la mode : perches à selfies, lunettes de soleil, parapluie, ventilateurs, cartes postales, gadgets… et cadenas ! Il était inutile de prendre la précaution de glisser un cadenas et sa clef dans votre valise avant de partir. Vous pouviez vous fournir sur place en cadenas de toutes tailles, de tous modèles, en matériaux les plus divers, à des prix différents, selon l’importance de l’investissement amoureux que vous étiez prêts à faire. Enfin, pour ceux qui hésitaient, ou qui ne souhaitaient s’engager que très momentanément, il suffisait de poser un cadenas avec une combinaison. C’est pratique, le jour où la romance se termine, vous pouvez essayer de récupérer votre cadenas. Il pourrait ainsi servir une nouvelle fois à condition de ne pas avoir oublié la combinaison ! La mémoire peut vous jouer des tours. Dans tous les cas la marque éternelle de votre amour n’était pas assurée de durer très longtemps : les employés des services municipaux, à Paris comme à Rome, venaient très régulièrement enlever tous ces cadenas car ils alourdissaient la structure des ponts et menaçaient leurs structures. C’est ce qui dut se passer à Rome. En 2022, il n’y a plus que quelques très rares cadenas sur le ponte Milvio (photo) ! Ou la pandémie du Covid aurait-elle eu raison des serments d’amours éternels ?

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[1] Cité par Herbert F. Schmitt. « Les villages olympiques ». sd.

[2] Federico Moccia. « Ho, Voglia di te » (traduit en français par « J’ai envie de toi »). 2006.

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