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Notes d'Itinérances
30 décembre 2023

Ripa - Jours tranquilles sur l'Aventin (6/18). Sainte-Sabine et le réveil de la belle endormie.

Concurrence entre maîtresse et servante - Attentat contre saint Dominique

 

 

Après le square de San Alessio, une nouvelle église : Sainte-Sabine. C’est l’une des plus anciennes de Rome et rend compte de l’architecture chrétienne des premiers siècles.

 

L’édifice fut consacré en 432. Œuvre du prêtre illyrien, Pierre, il la construisit sur les ruines légendaires de la maison de sainte Sabine. Sous Adrien, Sabine aurait été initiée à la foi chrétienne par sa servante laquelle fut martyrisée. Sabine recueillit ses reliques pour les ensevelir. Elle fut à son tour arrêtée et condamnée à la peine capitale par lapidation, puis ensevelie dans le même tombeau que sa servante. A noter que c’est la maîtresse que l’on honore comme sainte, pas la servante ! Hum…

 

L’église est construite au Ve siècle selon un plan basilical avec un vaisseau central surélevé, terminé par une abside semi-circulaire, avec des bas-côtés séparés de la nef par douze colonnes corinthiennes, cannelées, en marbre de Paros, lesquelles proviendraient d'un temple antique qui s'élevait à proximité. Le plus simple était de se servir dans les antiquités qui trainaient un peu partout. Pour la première fois dans l’architecture des basiliques, les colonnes soutiendraient des arcs et non des entablements droits. A chaque arc correspond, au-dessus, une fenêtre cintrée ; l’ensemble est donc extrêmement lumineux. Sainte-Sabine fut restaurée en 824, puis en 1216 en la fortifiant avec des murs et des tours, en 1238, en 1285, puis enfin en 1587. Sixte Quint Peretti (1585 / 1590) fit transformer la basilique par Domenico Fontana en démolissant l’iconostase, le ciborium, en faisant fermer vingt de ses fenêtres en application des recommandations du concile de Trente de « supprimer l'importante luminosité peu propice à la méditation des âmes » et en y adjoignant des décorations dans le style de la contre-réforme. Il ne reste rien de la décoration en mosaïque qui enrichissait l'abside et qui a été remplacée par des fresques de Taddeo Zuccari (1529 / 1566). La dernière restauration d’Antonio Muñoz, dans les années 1930, permit de rouvrir les fenêtres et de redonner à l’église toute sa luminosité, mais en supprimant toutes les décorations baroques ! Une loggia, faisant narthex, courre devant la façade.

 

« On allait voir, dans la charmante église de sainte Sabine (du mont Aventin), une grosse pierre que le diable lança du haut de la voûte à saint Dominique pour l’écraser ; mais la pierre fut détournée et le saint miraculeusement garanti » [1].

 

En entrant dans la basilique, dans un coin, à gauche, une colonne torsadée supporte une pierre ronde, noire, le Lapis Diaboli, ou la pierre du diable ! Selon la légende, le diable a jeté cette pierre sur saint Dominique en prière. Évidemment, la pierre fut déviée miraculeusement et brisa une des plaques de marbre du chœur. Certes, les esprits bassement matérialistes ont une toute autre explication : la plaque de marbre aurait été cassée par Domenico Fontana lui-même pendant les travaux de restauration de l'église en 1587. Vous pouvez choisir l’explication qui vous sied le mieux, elles sont toutes les deux assez fantastiques pour faire rêver. Quant à la pierre noire, aplatie aux pôles, ce serait plutôt une unité romaine de mesure qui servait à la pesée. Les portes sculptées, en bois de cyprès, qui séparent le narthex de la basilique, datent du Ve siècle et seraient d’origine orientale. Elles sont décorées de 18 panneaux reproduisant les scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament [2] avec la plus ancienne représentation connue de la crucifixion (430). Elles marquent une révolution dans la représentation du Christ qui était figuré soit en bon pasteur, soit en gloire, mais jamais crucifié ! Elle est singulière cette crucifixion (photo) : les croix sont suggérées par les bras ouverts de Jésus et des deux larrons [3], comme si l’artiste hésitait à souligner cette vision doloriste du Christ. 

 

En sortant de Sainte-Sabine, foin du quartier assoupit décrit par Marco Lodoli avec « ces placettes tellement silencieuses que même les chiens se taisent ». Un abominable clébard hargneux nous assomme de ses aboiements ininterrompus. Pour faire croire au réveil de la Belle endormie du quartier de l’Aventin ?

 


[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

[2] En 1836, à l’occasion de la restauration du panneau du passage de la Mer rouge, la tête du Pharaon qui se noie a été modifiée pour ressembler à Napoléon et symboliser ainsi la retraite de Russie ! In « Itinerari romani ».

[3] Gérard Veyssière. « L’image paléochrétienne ou l’iconographie de l’irreprésentable ». Journées de l’Antiquité́ 2005-2006. Université́ de La Réunion.

 

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