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Notes d'Itinérances
8 octobre 2022

Castro Pretorio / Piazza della Repubblica (11/15). Santa Maria della Vittoria (rione Sallustiano).

La Transverbération de sainte Thérèse d'Avila par Le Bernin

 

 

Au coin nord de la place San Bernardo (rione de Sallustiano), l’église Santa Maria della Vittoria est une œuvre de Carlo Maderno. Sur sa façade, construite entre 1624 et 1626, les lignes verticales (pilastres) sont peu marquées à contrario des lignes horizontales (corniches), mais des lignes courbes (volutes, niches, frontons) viennent lui donner du rythme. L’église est dédiée à la victoire de la Montagne Blanche (1620), celle des armées catholiques contre les armées protestantes dans les environs de Prague [1]. Elle accueille une œuvre du Bernin, la chapelle Cornaro, avec la sculpture de la « Transverbération » [2] de sainte Thérèse d’Avila. 

 

Du marbre le plus blanc et le plus fin, la sculpture est placée dans une niche elliptique, encadrée de doubles colonnes, située en hauteur derrière l’autel de la chapelle. Une source de lumière naturelle est dissimulée derrière le fronton brisé de la niche et, accompagnée par de fins rayons dorés qui descendent en s’évasant, la lumière vient baigner la sculpture d’une clarté douce. La scène représente le moment de l’extase divin tel qu’il est décrit par sainte Thérèse d’Avila elle-même.

 

« Je voyais dans les mains de cet ange un long dard qui était d’or, et dont la pointe en fer avait à l’extrémité un peu de feu. De temps en temps il le plongeait, me semblait-il, au travers de mon cœur, et l’enfonçait jusqu’aux entrailles ; en le retirant, il paraissait me les emporter avec ce dard, et me laissait tout, embrasée d’amour de Dieu. La douleur de cette blessure était si vive, qu’elle m’arrachait ces gémissements dont je parlais tout à l’heure : mais si excessive était la suavité que me causait cette extrême douleur, que je ne pouvais ni en désirer la fin, ni trouver de bonheur hors de Dieu » [3].

 

Les visages de l’ange et de la sainte sont exquis, les drapés de la robe admirables.

 

Une fois passé le choc de la première admiration, quand on commence à détailler et analyser l’œuvre, on finit par se rendre compte que l’on n’est pas seul à admirer la scène ! Non par de rares touristes qui se seraient égarés ici ou par des admirateurs du Bernin faisant le tour de ses œuvres romaines, mais bien par les membres de la famille Cornaro, représentés en marbre, assis dans des loges, sur les murs latéraux de la chapelle (photo). Depuis quatre cent ans, ces personnages regardent, discutent entre eux, et semblent estimer la scène comme s’il s’agissait du spectacle d’un nouvel opéra, appréciant la voix de la cantatrice ou évaluant l’imagination du metteur en scène ! Même pour des non-croyants, on est un peu scandalisé qu’ils puissent se comporter avec tant de légèreté et de désinvolture face à l’expression d’un phénomène mystique qui devrait plutôt les conduire au recueillement et à la dévotion !

 

Si tous les visiteurs et amateurs d’art s’accordent à reconnaître la virtuosité du maître dans l’exécution de cette sculpture, l’œuvre est néanmoins l’objet de remarques ironiques. Car, ce que les personnages de la famille Cornaro regardent avec aussi peu de sérieux fait douter qu’il s’agisse de la repréentation d’un amour divin. 

 

« C’est une expression merveilleuse, mais franchement beaucoup trop vive pour une église. Si c’est ici l’amour divin, je le connais ; on en voit ici-bas maintes copies d’après nature » [4].

 

De l’expression de l’amour divin à celui plus prosaïque des alcôves ! Comme il n’est pas possible de suspecter Le Bernin d’irrespect envers la religion. c’est donc que l’art baroque de la représentation dont il était le maître était considéré comme la vie même. 

 


[1] C'est l'une des premières et des plus importantes batailles de la guerre dite de 30 ans (1618 / 1648).

[2] La « transverbération » (du latin transverberare, transpercer, c’est-à-dire traverser de part en part) est un phénomène mystique de la tradition catholique par lequel le cœur est transpercé spirituellement par un trait enflammé d'amour divin.

[3] Thérèse d’Avila. « Le livre de la vie ». 1588. Cité par Wikipédia.

[4] Président De Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

 

Liste des promenades dans Rome et  liste de la promenade Castro Pretorio / Piazza de la Repubblica

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