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Notes d'Itinérances
4 juillet 2022

Esquilino et Monti sud - Sur le chemin des processions (2/14). Questions sur le monde du travail à Saint-Jean-de-Latran.

Basiliques et processions - Les rapports de l'église et du monde du travail - Saint-Jean et Borromini

 

Rome Esquilino Monti Sud Saint Jean de Latran

Les rapports de l’Église avec le monde du travail sont parfois difficiles, souvent complexes, objets de nombreux malentendus. L’exemple des prêtres ouvriers en est un bon exemple : Pie XII Pacelli (1939 / 1958) décida, en 1954, d’arrêter l’expérience de peur qu’ils ne soient noyautés par le Parti Communiste ! 

Lors d’une de mes visites à Saint-Jean-de-Latran, j’ai pu observer la complexité de ces rapports faits d’incompréhensions réciproques. Ce jour-là, un groupe d’ecclésiastiques britanniques était reçu dans la basilique et, bien sûr, l’accueil commençait par une messe dans le chœur. Le nombre de participants était particulièrement élevé, peut-être deux cent personnes, mais le protocole semblait en avoir sous-estimé le nombre et il n’y avait pas assez de chaises pour que leurs éminences puissent toutes s’asseoir. Pendant que se préparait la cérémonie, à côté du chœur, un brave homme de carreleur était en train de faire des réparations sur les marbres du sol. Pour éviter que les visiteurs et pratiquants ne piétinent les morceaux de marbre qu’il venait de sceller, et faute de barrières pour protéger son modeste chantier, il avait organisé une palissade de chaises autour de ses travaux. Mais voilà, comme il manquait des sièges pour nos sommités anglophones - je n’ai pas dit anglicanes lesquelles ne seraient certainement pas reçues ici en grandes pompes - les retardataires, constatant qu’il n’y avait plus de chaises pour eux, allaient les prendre, l’un après l’autre, dans la barrière de protection du « chantier ». Au plus vif mécontentement de notre carreleur bien entendu, qui levait les bras au ciel (après tout, n’était-ce pas le lieu pour l’implorer ?) à chaque fois qu’une éminence venait lui grignoter sa muraille protectrice ! Ce qui soulève toute une série de questions : qui du carreleur ou du prêtre peut utiliser les chaises de la basilique ? Qui du travailleur ou du prêtre doit avoir la priorité sur l’utilisation des chaises ? Qui sera à la droite de Dieu ? Celui qui aura sué sang et eau pour nourrir sa famille ? Ou celui qui aura vécu au crochet du premier pour pouvoir louer Dieu ? Poser la question ainsi, il est vrai de manière fort peu chrétienne et même tendancieuse disons-le, c’est évidemment y répondre. 

Bon, mais la basilique de Saint-Jean-de-Latran ? Elle est le siège du diocèse de Rome, dont le pape est l’évêque car elle est le premier édifice monumental chrétien construit en Occident. Première église à être publiquement consacrée, en 327, elle est « mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde » et porte le titre d’archi-basilique. 

Plus ancienne église de Rome, le monument a évidemment beaucoup souffert des outrages du temps et connut des modifications diverses qui font d’elle une véritable encyclopédie des différents styles architecturaux. Fondée par Constantin en 324, détruite par les Visigoths (410) puis les Vandales (455), restaurée au Ve et au VIIe siècles, détruite par un tremblement de terre en 896, reconstruite en 904, incendiée en 1308 et une nouvelle fois en 1361, rebâtie, re-liftée en 1650 par Borromini, décorée d’une façade monumentale et théâtrale en 1736, allongée en 1885. J’en oublie certainement. L'intérieur de la basilique date pour l’essentiel de la restauration de 1650. Borromini transforma l'intérieur, de style roman, en style baroque. Il remplace l’enfilade de colonnes de la nef par un nombre d'arcades plus réduites, passant de 14 à 5 ; il ouvre des fenêtres au-dessus des arcades pour éclairer la nef et décore l’ensemble de pilastres colossaux. Les espaces fermés des arcades sont décorés de hauts et larges tabernacles, en avancée, abritant les statues monumentales des douze apôtres. 

« Au milieu de chacun des pilastres de la grande nef, il y a une niche ridicule, garnie d’une statue colossale plus ridicule encore » [1].

Borromini construit des chapelles dans les nefs latérales et recouvre les murs de marbre blanc à l’image de Sant Ivo et San Carlo alle quatro fontane également toutes blanches à l’intérieur. N’ayant pu jouer sur les formes de l’église elle-même, comme dans ces deux derniers exemples, l’intérieur de la basilique, certes grandiose, reste plutôt froid, même si l’opposition des lignes courbes et des couleurs plus foncées des tabernacles avec le contrepoint les pilastres colossaux dynamise la nef.


[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829. Est-il besoin de préciser que Stendhal détestait le baroque ?

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Monti et Esquilino Sud

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