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Notes d'Itinérances
31 mars 2024

Trastevere - Lungara et Janicule (3/20). Entre prison et ONG de solidarité internationale.

La prison Regina Coeli - Une ONG italienne de développement rural

 

 

La via Francesco di Salle qui se dirige vers le pied de la falaise du Janicule est une petite rue bien calme, bordée par la prison de Rome Regina Coeli (Marie Reine du Ciel) ! Cette appellation céleste est certainement une piètre consolation pour les quelques 1000 détenus qui y seraient incarcérés (pour 700 places), la plupart étrangers et qui attendent leur jugement. Compte-tenu des lenteurs de la justice italienne, lesquelles seraient pire encore que celles de la justice française (est-ce possible ?), les prisonniers seraient régulièrement envoyés vers d'autres centres de détention de la région ce qui ne permettrait pas un suivi correct de leurs dossiers. Je ne suis pas non plus très sûr que le fait de partager l’honneur d’une incarcération dans des locaux où fut détenu Antonio Gramsci leur soit d’un grand réconfort moral, ni plus ni moins que l’appellation de « Reine du Ciel ».

 

Une année,  un collègue du ministère des Affaires étrangères et moi avions rendez-vous avec des responsables d’ONG italiennes, spécialistes de la formation rurale dans les pays en développement, au siège de l’une d’entre elles, évidemment située dans une rue portant le nom d’un saint illustre ! Le bâtiment appartient à une institution religieuse située au pied du Janicule. Il y a là un petit jardin à l’abandon, protégé en été des rigueurs du soleil par la falaise, et quelques beaux arbres. Peut-être est-ce dans ce lieu que naquit le culte de la nymphe Furrina, une divinité des bois sacrés et des sources, déesse des eaux souterraines et patronne des puisatiers ? Un culte qui, à la naissance de Rome, se rendait quelque part au pied de la falaise ? [1] L’intérieur du bâtiment est moins bucolique mais ne nous surprend pas : cartons entassés dans les couloirs, affiches de manifestations et drapeaux arc-en-ciel des pacifistes italiens punaisés au mur. Il règne ici, comme en France, le même désordre serein d’une institution qui dispose de moyens modestes au service d’objectifs élevés de fraternité, d’entraide et de solidarité. L’accueil est de la même eau : simple, chaleureux, bien que peut-être un peu perplexe. C’est que nous représentons ici, tous les deux, une institution qui n’est pas nécessairement en « odeur de sainteté » chez les membres des ONG : l’État ! L’État national, centralisateur, en deux mots : l’État jacobin ! Certes, la méfiance est largement atténuée par le fait que nous sommes les représentants d’un État étranger avec lequel il n’existe pas, à notre connaissance, de relation conflictuelle. 

 

La conversation roulait tranquillement et agréablement entre informations réciproques sur nos activités et échange d’analyses, jusqu’au moment où « Monsieur l’Ambassadeur de France auprès de la FAO » contacte mon collègue sur son téléphone portable pour lui faire savoir qu’il est très mécontent que nous ne l’ayons pas informé de notre projet de rencontrer les services de la FAO ! Ce n’est pas pour nous un très grand honneur d’avoir Monsieur l’Ambassadeur au téléphone. En effet, cet ambassadeur-là est surtout connu pour avoir été moins à cheval sur les principes quand il faisait alliance avec le Front National, en 1998, afin de conserver la présidence de la Région Rhône-Alpes. Sans parler de sa curieuse conception de l’utilisation de l’argent public ; comme président de Région il s’était accordé le bénéfice d'un appartement de six pièces, dans un quartier chic de la ville pendant près de dix ans. Loyer, eau, gaz, électricité et téléphone étant pris en charge par les finances de la Région, à quoi vous pouvez encore ajouter, pour faire bonne mesure, que celles-ci, bonne fille, payait plus de 40 heures de ménage par semaine dans l'appartement au prétexte qu’il s'agissait de nettoyer le logement après les réceptions ! Tous frais que la justice le condamna à rembourser après dépôt d’une plainte par la nouvelle équipe du conseil régional [2]. Après tout cela, ce Monsieur peut bien s’offusquer que deux petits fonctionnaires français aient oublié de le prévenir qu’ils venaient brouter à la périphérie de ses plates-bandes ! Certes, c’est une erreur regrettable même si nous avons toutes les autorisations officielles de nos ministères respectifs. De là, à en faire un fromage en alertant les Directeurs généraux, ainsi que les cabinets des deux ministres concernés, c’est nous faire beaucoup d’honneur vu la modestie de nos objectifs ! Mais quelle idée aussi de nommer ce personnage comme ambassadeur de France auprès de la FAO quand celui-ci traîne de telles casseroles !

 


[1] De fait, le culte se serait situé un peu plus au Sud, dans les jardins de la Villa Sciarra.

Paul Gauckler. « Le bois sacré de la nymphe Furrina et le sanctuaire des Dieux syriens, au Janicule, à Rome ». In « Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ». N°3. 1907.

[2] La Tribune. « Lyon : Charles Millon va devoir payer ». 05/03/2012.

 

Liste des promenades dans Rome. et liste des articles sur le Janicule

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