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Notes d'Itinérances
31 janvier 2024

Sant'Angelo - Autour du ghetto (4/18). Le théâtre de Marcellus, forteresse, HLM et palais !

L'art de la pantomine à Rome - Un théâtre devenu palais

 

 

Construit au pied du Capitole, sur le modèle du théâtre de Pompée (61 à 55 av. J-C), le théâtre fut commencé sous Jules César et terminé sous Auguste (30 à 13 av. J-C) [1]. C'est le plus ancien théâtre en pierre de Rome qui ait subsisté. Il est dédié au neveu d'Auguste, Marcellus. Comportant trois étages, il pouvait contenir de 13 à 15 000 spectateurs selon les sources. Ne chipotons pas, à 2 000 près, c’est beaucoup ! A l’origine, le théâtre avait trois niveaux de 41 arcades ; il en subsiste seulement deux de 12 arcades (photo), soit moins du quart du monument d’origine. Les demi-colonnes de la façade sont d’ordre dorique à l’étage inférieur et ionique au-dessus. 

 

L’ampleur de la construction souligne l’importance prise par les lieux de spectacle dans l’antiquité romaine [2]. Si le Sénat républicain avait interdit la construction en dur de lieux de spectacle, Auguste les autorisera et les utilisera à des fins de propagande en faisant célébrer les valeurs de son régime dans de grands rassemblements populaires, notamment par l’utilisation de la pantomime. La pantomime était un art spécifiquement romain dont l'invention est attribuée à deux affranchis protégés d'Auguste, Pylade de Cilicie et Bathylle d'Alexandrie. Ceux-ci semblent avoir puisé leur invention et leur répertoire dans une tradition de l'art scénique romain : dans les tragédies comme dans les comédies, les monologues chantés étaient répartis entre deux acteurs différents, l'un chantant les paroles, l'autre les mimant. Le plaisir qu’y prenaient les Romains aurait donné l'idée de supprimer le drame chanté pour ne conserver que la pantomime en constituant cette dernière en un genre indépendant. En 22, le mime Pylade présente un spectacle retraçant toute l'histoire du monde telle que l’imaginaient les Romains. Il aurait notamment souligné auprès des spectateurs qu'Auguste était un homme providentiel dont l'intervention, nécessairement voulue par les dieux, a ramené sur terre « l'Age d'Or. » Par la suite, la pantomime se serait développée selon des formes différentes ; autour d’un scénario, les artistes brodaient situations et bouffonneries selon leur humeur et celle du public. Cela n’excluait pas pour autant le drame et le sang, l’un de ces drames, « Laureolus », qui aurait été joué régulièrement pendant deux cent ans (« Boeing, Boeing » en est encore loin, cinquante ans seulement !) se serait terminé par la crucifixion du personnage du brigand et sa mise à mort par un ours, l’acteur étant remplacé, in extremis, par un condamné à mort !

 

A la fin de l’Empire, le théâtre de Marcellus a été progressivement occupé par des habitations et même transformé en château fortifié. Au XVIe siècle, l'architecte Baldassare Peruzzi y construisit le palais de la famille Savelli (1523 / 1527), qui passa au XVIIIe siècle aux Orsini. Comme le montre un dessin de Guiseppe Vasi de cette époque, puis les photographies des années 1870, les arcades servaient de logement, de commerce, d’autres constructions s’étant greffées sur les structures du théâtre. Ces utilisations successives ont néanmoins sauvé le théâtre, au moins partiellement, le reste ayant servi de matériaux de construction pour des églises, des palais, des maisons, ou pour faire du plâtre !

« Théâtre de Marcellus, qui forme le côté d’une rue, demi-circulaire, à colonnes et arcades. Celles-ci sont murées et servent d’habitations et celles d’en bas de boutiques et on a élevé des maisons au-dessus du faîte de ce théâtre, qui est noirci, calciné, et dont quelques parties seulement sont bien conservées » [3]

 

Sous Mussolini, tous les alentours du théâtre antique, rues, placettes, immeubles, ateliers et commerces (notamment ses nombreuses boucheries) ont été rasés, à l’exception du palais Orsini, pour construire la Via della Mare (aujourd'hui Via del Teatro di Marcello) et dégager le monument qui apparait esseulé au milieu d’une zone désertique mal définie : autoroute urbaine, forum, jardin abandonné, terrain vague ? De l’autre côté de la via del Teatro di Marcello, une haute maison, elle aussi isolée, témoigne, avec la tour de l’église voisine, San Nicola in Carcere, des derniers éléments du château du XIIe siècle de la très riche famille des Pierleoni. Pier Leoni, décédé en 1128, était originaire d’une famille juive convertie au catholicisme ; allié du pape, il a occupé les plus hautes fonctions à Rome.

 


[1] Sovrintendenza capitolina ai Beni Culturali . « Il teatro di Marcello ».

[2] Arnaud Suspène. « Théâtre et politique dans l'Occident romain (IIe siècle avant notre ère - IIe siècle de notre ère) : la « civilisation du spectacle » ». In « Parlement[s], Revue d'histoire politique ». N° 3. 2012.

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