Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
21 octobre 2023

Pigna - Entre les places de Venise et de Minerve (5/18). L'église du Gesù.

Une église où rôde le diable ! - Naissance d'un nouveau style

 

 

La via del Plebiscito aboutit à une petite place de forme irrégulière dominée par la façade de l’église du Jésus. La place est connue pour être « à courants d’air » du fait des nombreuses rues et ruelles qui y débouchent. 

 

« Un jour, le diable se promenait dans Rome avec le vent ; arrivés près de l’église del Gesù , le diable dit au vent : ‘j’ai quelque chose à faire là-dedans ; attendez-moi ici ‘. Depuis, le diable n’en ai jamais sorti, et le vent attend encore à la porte » [1].

 

L’« Église-du-Très-saint-Nom-de-Jésus » est l'Église mère de la Compagnie de Jésus et conserve la tombe de son fondateur, saint Ignace de Loyola.

 

« Cet aventurier espagnol, rempli d’exaltation et un peu fou, mourut en 1556 et fut canonisé en 1622 » [2].

 

En 1551, Ignace de Loyola commande à l'architecte florentin Nanni de Baccio Biggio une église pour la Compagnie de Jésus avec des caractéristiques particulières : une église en croix latine à nef unique pour regrouper les fidèles, une chaire placée sur le côté pour faciliter la prédication, un maître-autel surélevé pour rendre visible la célébration de l'Eucharistie et des chapelles latérales vouées à la prière et à la confession. Ignace de Loyola décède en 1556 et les financements ne seront réunis qu’en 1568 grâce au cardinal Alexandre Farnèse. Les plans de Nanni de Baccio Bigio sont modifiés par Michel-Ange, puis par Vignola qui est chargé de l’édification de l’édifice. Après le décès de Vignola (1575), c’est Giacomo della Porta qui termine l’église et sa façade (photo). A sa consécration, en 1584, elle est la première grande réalisation après le sac de Rome de 1527 par les troupes de Charles Quint.

 

Ce nouveau style d’église [3] répond aux exigences de la réforme liturgique préconisée par le concile de Trente (1545 / 1563) qui souhaitait faire participer les fidèles à la liturgie. Pour cela il fallait que les participants puissent entendre le prédicateur, voir le prêtre célébrer la messe et suivre la célébration en lisant son missel. L’église devient un lieu de « représentation » dont la forme et la décoration sont déterminées par cet objectif. La coupole y joue un rôle important : posée sur un tambour percé de hautes fenêtres, elle permet d’éclairer la croisée du transept et la nef, tout en étant une forme symbolique : elle représente le ciel qui domine la terre. En conséquence, elle est généralement décorée d’anges ou de saints. Au Gesù, sont particulièrement représentés des saints de la Compagnie de Jésus. Posée sur la coupole, la lanterne permet d’éclairer l’intérieur de la coupole et ses peintures ; elle symbolise la maison de dieu, au sommet des cieux. C’est pourquoi, c’est généralement la colombe du saint Esprit qui est peinte à son plafond. La façade serait inspirée de dessins d’Antonio da Sangallo le Jeune (1484 / 1546) : séparée en deux niveaux de largeurs inégales (la nef centrale étant plus haute et plus large), décorée de pilastres avec des ordres superposés, ornée de volutes permettant de relier harmonieusement les deux niveaux. Au Gesù, la façade, encore assez plate, devient néanmoins plus dynamique en alliant formes droites horizontales et verticales (pilastres, entablement, frontons rectilignes) et courbes (volutes, colonnes, niches, frontons curvilignes) et en accentuant tous les reliefs. L’église du Gesù est généralement considérée comme une référence dans l’émergence progressive du style baroque. A noter, dans le transept gauche, la chapelle de saint Ignace réalisée par le père jésuite Andrea Pozzo (1642 / 1709), mathématicien, théoricien de la perspective et peintre de talent.

 

« Elle mérite d’être mise au rang des plus beaux objets qui se puissent voir, n’y ayant nulle part ailleurs d’assemblage de marbres aussi heureux et aussi parfait » [4].

 

Pour une fois que l’exubérance baroque plait à un Français ! De plus, chaque jour, à 17h30, s’y déroule un spectacle bien planifié, au son d’une musique chorale, le tableau d’Andrea Pozzo, représentant saint Ignace, s’abaisse pour révéler une statue argentée du fondateur de la Compagnie de Jésus [5] alors que la lumière illumine le plafond de la nef peinte par Pozzo.

 


[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

[2] Idem.

[3] Site Romanchurches. « Il Gesù ». L’église serait ouverte de 7h30 à 12h30 et de 16h00 à 19h30.

[4] Charles De Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

[5] La statue originale en argent massif, œuvre de Pierre Legros le Jeune (1666 / 1719), a été fondue par l'armée française en 1798, lors de l'occupation de Rome par les forces de Napoléon. 

 

Liste des promenades dans Rome. et Liste des articles sur le rione de Pigna

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 365