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Notes d'Itinérances
11 juin 2013

Inde du Sud (1/31). Loti et son voyage en Inde (sans les Anglais !).

Pierre Loti, l'Ordre des Palmes académiques et le maharadja de Travancore, quel curieux mélange !

 

 

« Avec quelle inquiétude de ne rien trouver, avec quelle crainte des déceptions finales, je m’en vais là, dans cette Inde, berceau de la pensée humaine et de la prière, non plus comme jadis pour y faire escale frivole, mais, cette fois, pour y demander la paix aux dépositaires de la sagesse aryenne, les supplier qu’ils me donnent, à défaut de l’ineffable espoir chrétien qui s’est évanoui, au moins leur croyance, plus sévère, en une prolongation indéfinie des âmes… » [1].

 

Pierre Loti, élu à l’Académie française en 1891, est chargé par cette même Académie de remettre, en main propre, en 1898, la croix de chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques à son Altesse le maharadjah de Travancore ! Le prétexte à ce voyage aux Indes apparait des plus farfelus et pour le moins curieux.

 

Louis Marie Julien Viaud, alias Pierre Loti, fit une carrière d’officier dans la marine nationale ce qui lui permit de visiter le monde : Alger, Amérique du Sud, Tahiti, Afrique occidentale, Turquie, Tonkin, Chine, Japon, Inde, Perse, Cambodge, Egypte… j’en passe. De ces expériences il tira quelques romans dits « exotiques », Aziyadé, Madame Chrysanthème, La Mort de Philæ, ainsi que de nombreuses nouvelles : Trois journées de guerre en Annam, Les Trois Dames de la Kasbah, Japoneries d'automne, Le Désert, Jérusalem et La Galilée, Les Derniers Jours de Pékin, Vers Ispahan, Un Pèlerin d'Angkor, La Turquie agonisante…

 

S’il participa à des missions d’observation et de négociation plus ou moins secrètes avec la Turquie pour le ministère des Affaires étrangères, le prétexte de son voyage aux Indes apparaît tellement anodin et insolite qu’il laisse à penser que Loti était également chargé d’une autre mission : pour le moins d’observer l’état de l’Inde sous l’occupation anglaise ! On ne voit pas en effet très bien en quoi son altesse le maharadjah de Travancore aurait « rendu des services éminents à l'Éducation nationale française », ou aurait « contribué activement à l'expansion de la culture française dans le monde » lui permettant de prétendre à cette « très haute » distinction française [2]. Le brave homme ne parlant pas lui-même un mot de notre langue !

 

Le trajet effectué par Pierre Loti en Inde est également des plus curieux et pas franchement très rationnel : parti de Ceylan, il traverse l’Inde du Sud d’Est en Ouest, puis, d’Ouest en Est, remonte alors vers le Nord jusqu’à Jaipur, redescend au Sud à Madras d’où il vient quasiment, fonce à l’Est, retourne au Nord à Delhi, repart à l’Est jusqu’à Calcutta, puis retraverse l’Inde en diagonale vers l’Ouest pour aller à Bombay ! Sauf à aimer particulièrement les voyages en charrettes à bœufs et trains à vapeur, ou à ignorer la géographie du pays, pareil circuit est étonnant même si Loti avait aussi quelques velléités de chercher des consolations et un peu d’espérance auprès de sages hindous.

 

Mais aujourd’hui, qu’importe, Loti nous a laissé une description de son circuit, plus particulièrement dans l’Inde du Sud (cette partie de son voyage constitue la moitié de son récit), tout à fait remarquable. Ecrites dans une langue française riche et maîtrisée, ses descriptions des paysages, des temples, des foules comme des personnes, et malgré les évolutions extraordinaires de ce pays, conservent une fraîcheur et une modernité souvent exceptionnelles.

 

De Pondichéry à Cochin, nous croisâmes ainsi plusieurs fois le chemin de Loti.

 


[1] Pierre Loti. « L’Inde (sans les Anglais) ». 1903.

[2] Si j’en crois les portraits des maharadjahs de Cochin du XIXe, plus bardés de décorations qu’un maréchal soviétique, les grandes puissances de l’époque n’étaient pas avares de colifichets à usage des princes étrangers.
 
 
 
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