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Notes d'Itinérances
16 juin 2013

Inde du Sud (6/31). Feu les confettis de l'Empire !

 Une petite ville française de province - Bouleversée par l'explosion démographique indienne

 

 

« Oh ! la mélancolie d’arriver là, dans cette vieille ville lointaine et charmante, où sommeille entre les murailles lézardées, tout un passé français ! Des petites rues un peu comme chez nous, au fond de nos plus tranquilles provinces ; des petites rues bien droites, aux maisonnettes basses, aux maisonnettes centenaires, blanches de chaux sur un sol rouge ; des murs de jardin, d’où retombent des guirlandes de liserons ou de fleurs tropicales des fenêtres grillées derrière lesquelles on aperçoit quelques figures pâles de femmes créoles, ou bien des métisses, trop jolies, avec du mystère indien dans les yeux » [1].

 

La France a, semble-t-il, eu le plus grand mal à rétrocéder à l’Inde un confetti que la Compagnie des Indes Orienatles avait acheté au sultan de Bijapur en 1673. Mélancolie ? Difficulté à admettre l’inéluctable décolonisation ? Il lui fallut pas moins de quinze années pour s’y résoudre ! Si un traité entérinant la cession de souveraineté était signé en 1956 (fin de la guerre d’Indochine), ce n’est qu’en 1962 (fin de la guerre d’Algérie !) qu’il sera ratifié par le parlement français. Les Pondichériens ont alors pu bénéficier d’un droit d’option à choisir la nationalité française, 5 000 familles y auraient eu recours. En 2001, Pondichéry comptait 220 749 habitants dont 10 000 Français (moins de 5%) ; par contre 20 000 Pondichériens vivraient en France. Certains ont compris l’intérêt que pouvait représenter ces confettis de l’empire. Un Centre d’appel, basé à Pondichéry, recherche des personnes parlant français pour des emplois de contact clientèle par téléphone : maîtrise du français avec salaires indiens ?

 

« La conception de son plan, idéal, et de son architecture, la ville la devait assurément à des esprits géométriques, amateurs de lignes droites et de symétrie, d’espaces bien délimité, d’alignements hardis et de belles perspectives » [2].

 

La « ville blanche », l’ancien quartier colonial aujourd’hui quartier touristique, a conservé un charme suranné de petite ville française endormie de province : des rues droites, bordées par des trottoirs non encombrés d’étals divers, au long desquelles sont alignées régulièrement les façades des maisons, les hauts murs des jardins et les majestueux portails. Avec néanmoins un je-ne-sais-quoi d’étranger, les essences exotiques des arbres et des fleurs ? Les nombreuses colonnades, loggias et balcons des premiers étages ? Les couleurs vives des façades sous le soleil ? Les hauts plafonds des étages ? Les fenêtres en arc surbaissé ? Les stores de lamelles de bois tirés sur les fenêtres pour se protéger de la lumière ardente ? Ou un peu de tout cela ?

 

Un large canal sépare la « ville blanche » de la « ville noire », le quartier tamoul. Changement d’ambiance : c’est dans ce quartier que se trouvent les magasins et marchés. Les rues sont plus défoncées, les trottoirs moins bien marqués et plus encombrés de mobylettes, d’autos, de commerces, mais aussi de tas d’ordures non ramassés. Néanmoins, le quartier conserve un quelque chose de plus organisé, moins anarchique que les autres villes indiennes, la publicité y est aussi moins agressive. Les maisons sont basses, leurs façades extérieures assez régulières, précédées d’une véranda ou d’un portique soutenu par des piliers de bois, dans la maison tamoule, c’est l'espace de transition entre zone publique et zone privée par lequel on pénètre dans la maison. A l’intérieur, une cour centrale à colonnes de bois organise l’espace et assure les circulations entre les différentes pièces de la maison.

 

Compte-tenu de la poussée démographique, des impératifs des équipements modernes, de la motorisation, les familles ont tendance à modifier les bâtiments : nouvelles ouvertures ou au contraire fermeture des fenêtres, loggias et balcons, modification de la taille des ouvertures, séparation des pièces, érection d’étages supplémentaires. Entre 1994 et 2002, plus de 600 bâtiments anciens sur les 1 800 que comptait la ville ont disparu au risque de faire perdre son caractère particulier à l’architecture de Pondichéry. L’Indian National Trust for Art and Cultural Heritage (INTACH), une organisation nationale indienne, s’efforce d’assurer la protection du patrimoine architectural de la ville et lui conserver son caractère original [3].

 


[1] Pierre Loti. « L’Inde (sans les Anglais) ». 1903.

[2] Sarah Dars. « Pondichéry blues ».

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