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Notes d'Itinérances
20 juin 2013

Inde du Sud (10/31). L'éducation au Tamil Nadu et au Kerala.

Deux Etats ayant une politique éducative ambitieuse - Mais une concurence entre privé et public

 

 

« Le maharajah se plait à répandre dans son pays l’instruction, qui est devenue chez nous le grand fléau destructeur, mais qui restera longtemps bienfaisante au Travancore [1], tant que la foi n’aura cessé de s’y maintenir et d’y rayonner au-dessus de toutes choses » [2].

 

Aujourd’hui, en Inde, une femme adulte sur deux est analphabète et un homme sur quatre, soit 65% en moyenne d’adultes alphabétisés. Il est vrai qu’ils n’étaient que 18% en 1947, ce qui souligne à la fois l’importance de « l’œuvre civilisatrice » de la Grande-Bretagne et le chemin parcouru depuis !

 

A compter du 1er avril 2010, l’école est devenue obligatoire, dans toute l’Inde, pour tous les enfants de 6 à 14 ans. Egalement gratuite, les millions d'enfants déscolarisés (entre 8 et 60 millions selon les sources !) devraient donc, en théorie, s’intégrer dans le système éducatif. Mais rien n’est moins sûr, même si l’école est gratuite y envoyer son enfant a un coût pour les parents (vêtements, fournitures, déplacements) sans compter que, pendant le temps scolaire, l’enfant ne participe pas à la survie économique de la famille.

 

Si les maharadjahs du Travancore avaient l’ambition de développer l’éducation, les gouvernements des Etats du Sud, Tamil-Nadu et Kerala, ont conduit, depuis l’Indépendance, une politique particulièrement dynamique de scolarisation primaire, pour les filles comme pour les garçons. Au Tamil-Nadu les trois quart des adultes sont alphabétisés, au Kerala 91%, et tous les enfants scolarisés. Ces gouvernements ont poursuivi une politique de discrimination positive à l’égard des plus pauvres et des castes défavorisées. Les écoles publiques sont gérées par le gouvernement et l’Etat fournit gratuitement aux enfants l’uniforme, les livres de classe ainsi qu’un déjeuner quotidien, de la première à la douzième classe, soit du CP à la terminale. Aux « Dalits », ou « Intouchables », le gouvernement offre également les cahiers et stylos. Tous les cours sont donnés dans la langue de l’Etat (tamil et, au Kerala, malayalam, une langue dérivée du tamoul au XIIIe siècle).

 

Si les salles de classe visitées peuvent nous paraître un peu sommaires, elles possèdent néanmoins de nombreux documents pédagogiques, variés et adaptés aux différents âges ; les livres scolaires dont disposent les enfants paraissent attrayants et pédagogiques (images, schémas, exercices), couvrant les champs de l’histoire, la géographie, les sciences physiques et naturelles.

 

Mais derrière un bilan plutôt flatteur en regard des autres Etats indiens et des pays en développement, il est néanmoins en demi-teintes. La poursuite d’une politique de discrimination positive à l’égard des plus pauvres, notamment des basses castes, a contradictoirement renforcé le système des castes ! Pour obtenir la gratuité totale des fournitures scolaires, les familles doivent en effet obtenir un « certificat de caste » témoignant de leur situation, alors même que la constitution indienne abolit (théoriquement du moins) toute discrimination reposant sur le genre, la race, la religion ou la caste ! Par ailleurs, l’Etat n’organise pas les transports scolaires ce qui est un frein à la scolarisation en zones rurales où les enfants doivent faire de longs trajets à pied pour se rendre à l’école. Enfin, aucun système de bourse n’existe pour les enfants plus âgés (niveau secondaire) pour contrecarrer le coût de la scolarité mais aussi la tendance à entrer le plus tôt possible sur le marché du travail. Enfin, l’enseignement en langue nationale ne favorise pas les enfants scolarisés dans le secteur public car tout l’enseignement supérieur en Inde est effectué en anglais. Cette situation aboutit à un développement rapide de l’enseignement privé, malgré un coût très élevé pour les familles, mais les cours y sont effectués en anglais, il est doté de professeurs plus diplômés et il assure le ramassage scolaire.

 

Officiellement, aucune religion n'est enseignée à l'école mais la journée débute et s'achève par la récitation d'une prière collective d’une demi-heure ! Elle ne ferait pas référence à un dieu particulier, mais souligne néanmoins que chacun doit croire à quelque chose. Cela choque notre conception de la laïcité, mais les Français sont bien les seuls à en défendre une conception aussi claire et précise ! Le dollar lui-même proclame sa croyance en un dieu.

 


[1] Le Travancore correspond à la partie Sud de l’Etat actuel du Kerala.

[2] Pierre Loti. « L’Inde (sans les Anglais) ». 1903. Je laisse à Pierre Loti ses affirmations péremptoires et fort peu progressistes et laïques !

 
 
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