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Notes d'Itinérances
24 juin 2013

Inde du Sud (14/31). Musée de Tanjore ou cabinet de curiosités ?

Un véritable cabinet de curiosités mêlant squelette de baleine, bronzes anciens et planches de Charles Lebrun - Représentations de Brahmâ

 

 

L’Inde du Sud n’est pas riche de palais magnifiques comme la région du Rajasthan, région située autrefois sur la route de la soie. Les palais du Tamil-Nadu sont plus modestes et malheureusement souvent dans un état médiocre : salles vides, peintures qui s’écaillent, cours laissées à l’abandon.

 

On y fait parfois des rencontres curieuses comme dans une des tours du palais des Nayak à Tanjore, actuellement en réfection. On découvre ainsi, au hasard d’un palier, un squelette de baleine qui disperse autour de lui ses côtes et ses osselets ! Si une des salles abrite une magnifique collection de bronzes anciens, les vitrines sont poussiéreuses et les explications réduites à leur plus simple expression : un nom en langue tamoule, parfois doublé de sa traduction en langue anglaise, sans plus. Date ? Origine des ateliers ? Facture ? On ne saura rien et notre appréciation sera alors plus esthétique qu’historique.

 

Le summum du Grand-n’Importe-Quoi est atteint dans la Bibliothèque Sarasvati Mahal du palais où se côtoient, dans le plus grand désordre bien entendu, des planches de dessins de costumes hindous, des portraits de dignitaires de la cour, un plan de Londres au XVIIIe siècle, des livres européens des XVIIIe et XIXe siècles, de magnifiques textes en sanskrit sur feuilles de palmier, des pièces de monnaie et une collection de planches de Charles Lebrun (1619 / 1690), Premier Peintre du roi Louis XIV, sur la physiognomonie zoologique, comparant visages humains et faces animales ! Le tout donne l’impression de visiter un cabinet de curiosité que les « Grands » d’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles aimaient à constituer. Comme celui de Rodolphe II à Prague, le plus célèbre en son temps, qui mêlait peintures d’Arcimboldo, instruments astronomiques, autruches empaillées, boulons de l’arche de Noé ( ! ), cristaux, racines de mandragore, pierres stellaires, horloges, cors de chasse en ivoire, automates, couteau avalé par un paysan… et mille autres choses plus incroyables les unes que les autres.

 

A la sortie du musée, nous avons la surprise de tomber sur une statue de Brahmâ. Sa représentation est si rare qu’elle mérite d’être notifiée ! Et pourtant, Brahmâ n’est pas n’importe qui ! L’équilibre entre les forces centripètes et centrifuges, entre la concentration et la dispersion, entre la lumière et l’obscurité, entre Vishnou et Shiva : c’est lui. Il est « l’être immense », à l’origine du monde apparent ; il est le principe de l’espace-temps. Bref, ce n’est pas un sous-fifre et pourtant il est totalement absent des représentations des dieux en Inde du Sud.

 

Dans la mythologie hindoue, Brahmâ est identifié à l’état de veille. Toutes les sciences qui se basent sur la perception des sens se rapportent à Brahmâ. Une fois le monde créé celui-ci reste inchangé pendant une durée égale à un jour de Brahmâ, soit une période de deux milliards 160 millions de jours terrestres. Puis le monde est alors consumé par le feu quand Brahmâ s’endort. Quand il se réveille, il rétablit à nouveau la création. Ce processus se répète jusqu’à ce que Brahmâ atteigne sa centième année, Brahmâ cesse alors d’exister, lui, tous les dieux et leur création disparaissent.

 

Brahmâ est représenté avec quatre têtes, bien qu’à l’origine il en possède cinq, mais l’une fut réduite en cendres par le troisième œil de Shiva. En effet, lorsqu'il créa l'univers, Brahmâ engendra la déesse Shatarupa (ou Sarasvatî). Elle était si belle que le dieu créateur ne cessait de la regarder et il se dota alors d'une cinquième tête afin de la suivre dans tous ses mouvements ! Shiva considéra qu'il était inconvenant pour Brahmâ d'être attiré par sa fille, un être qu'il avait engendré et il foudroya de son troisième œil la cinquième tête de Brahmâ. Même les dieux ont leurs faiblesses. On représente généralement Brahmâ sous la forme d’un homme d’âge mûr, portant la barbe. Il possède quatre bras qui tiennent les textes sacrés (védas), ou un sceptre, un rosaire, un arc, une cruche d’eau. Sa monture est une oie, symbole du savoir.

 

Sarasvatî est sa fille et son épouse. Elle est la déesse de la parole, de l’éloquence, du savoir, la patronne des arts plastiques et de la musique. Elle est la source de la création-par-le-verbe. Elle est représentée comme une femme gracieuse, de couleur blanche, assise sur un lotus, un mince croissant de lune sur le front. Ces attributs sont notamment un livre, un luth, un crochet pour diriger les éléphants… Le jour consacré à Sarasvatî, on ne peut ni lire ni jouer d’un instrument musique ; ils sont nettoyés, placés sur un autel et vénérés comme les demeures de la déesse.

 

 
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