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Notes d'Itinérances
14 juillet 2013

Rome baroque (15/21). La loggia du Palais Falconieri et le Palais Spada où règne l'illusion.

La loggia majestueuse du palais Falconieri offre une vue imprenable sur le Tibre - Comment faire paraître plus grand ce qui est petit ?

 

 

Le dédale des rues moyen-âgeuses de l’ancien Champ de Mars romain, permettent d’accéder au Tibre, sur le lungatovere dei Tebaldi, d’où l’on peut apercevoir la loggia du palais Falconieri, édifiée en 1646 par Borromini. Cette loggia est construite au-dessus des trois étages du palais. Elle tranche avec l’architecture de celui-ci par sa taille (sa hauteur est au moins égale aux deux étages précédents), par ses matériaux, une pierre blanche (la façade est revêtue d’un enduit jaune), et par sa composition riche alors que le palais est très sobre. Les trois arcades de la loggia s’ouvrent par des baies serliennes, encadrées de demi-colonnes, d’un modèle voisin du palazzio della Ragione de Palladio à Vicenze. L’ensemble est surmonté d’une corniche fortement saillante, à ressauts, et d’une balustrade à protomés [1] de femmes.

 

A proximité, il ne faut pas manquer le palais Spada (1540), sur la Piazza Capo di Ferro, restauré par Borromini, avec notamment sa Galleria Prospettica de 1660 [2]. Cette galerie, devait permettre de relier une cour intérieure à un minuscule jardinet que venait d’acquérir la famille Spada dans le pâté de maison voisin. Borromini traite l’ensemble en trompe l’œil afin d’allonger un couloir très court (9 mètres). Ce couloir est encadré par quatre ensembles successifs de trois colonnes, déterminant autant de voûtes en caissons et des ouvertures latérales (photo). L’ouverture sur la première cour est d’environ de deux mètres de large et de cinq mètres de haut sous la voûte en berceau. La succession d’éléments architecturaux, complétés par sol en pente et le rétrécissement progressif du couloir, permettent de faire croire à une grande profondeur de l’ensemble : la galerie apparait quatre fois plus grande qu'elle n'est en réalité. Cet effet de perspective est encore accentué par la clarté qui tombe dans le petit jardin lequel est fermé par un mur avec la propriété mitoyenne. Il paraît, qu’autrefois, ce mur était lui-même peint afin de donner l’impression que le couloir se poursuivait plus loin encore. L’ouverture sur la cour est d’environ de deux mètres de large et de cinq mètres de haut sous la voûte en berceau. Le guide, qui a seul le droit de parcourir la perspective, semble grandir au fur et à mesure qu’il y pénètre. Placé en sortie de perspective, il lui suffit de lever le bras pour toucher la voûte. Au centre du jardinet est placée, sur un piédestal, une sculpture copie d’antique, représentant Mars. Quand le guide se place à côté de la statue du jardinet, celle-ci qui nous apparaissait à taille humaine, se révèle avec son socle, ne lui arriver qu’à la taille !

 

La création de cette perspective avait aussi un objectif moral : se méfier de nos sens qui peuvent nous induire en erreur, et se méfier des illusions du monde terrestre

 

L’idée sera copiée par Bernini dans la Scala Reggia (1664 / 1666) au palais du Vatican, où les colonnes et la voûte diminuent insensiblement de taille au fur et à mesure que l’on s’élève dans l’escalier afin d’exagérer l’effet de perspective. Celui-ci est également accru par le rythme des colonnes qui encadrent l’escalier, lesquelles sont de plus en plus rapprochées les unes des autres. Le Bernin avait déjà utilisé des effets de trompe-l’œil, bien que de moindre ampleur, dans l’escalier du Palais Barberini. Quant à Stendhal, pas un mot dans ses « Promenades dans Rome ». Lui devait certainement juger l’idée saugrenue, un amusement populaire.

 

Qu’il s’agisse de la « Transverbération » de Sainte-Thérèse-d’Avila, du campanile de Sant’Andrea delle Fratte, des escaliers du Palais Barberini, de la structure de Sant’Ivo, de la fontaine des fleuves ou de la fausse perspective du palais Spada, Le Bernin et Borromini sont toujours à la recherche de solutions innovantes, utilisant des formes mouvantes, complexes, généralement courbes ou spiralées, pour tenter de saisir la lumière, le mouvement, la vie. Ce qui caractérise le baroque romain, ce n’est pas nécessairement l’opulence des décors comme on se plait trop souvent à le croire en France, mais sa formidable inventivité dans les formes. Mais il ne s’agit pas non plus d’inventivité pour elle-même, mais bien pour l’artiste de chercher à susciter l’imagination, l’émotion, au service d’une idée, d’une morale, pour la gloire d’une religion. Dans d’autres pays, Bavière, Bohême, Autriche, Espagne et Portugal, la profusion des décors a parfois eu tendance à faire passer au second plan les inventions architecturales (par exemple à la basilique de Vierzehnheiligen de Balthazar Neumann), ou elles ont été tout simplement ignorées au profit de la seule surenchère des ornements. 

 


[1] Protomés : éléments en saillie et décorés d’une balustrade.

[2] Ouverture du mercredi au lundi de 8h30 à 19h30.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades dans la Rome baroque

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