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Notes d'Itinérances
19 novembre 2021

La traversée de Rome par le Corso (20/26). Les palais Mancini-Salviati et Bonaparte - Rioni Trevi et Pigna.

Le boussolotto, ou moucharabieh, de Madame Mère

 

 

Aux n°270-272, le palais Mancini Salviati (photo) est une œuvre de Carlo Rainaldi, de 1662, pour Filippo Giuliano Mancini, duc de Nevers et neveu du cardinal Mazarin (son père, Lorenzo, avait épousé la sœur de Mazarin). En 1725, le palais héberge l'Académie de France à Rome, fondée par Colbert en 1666, mais qui avait jusqu’alors utilisé des lieux divers dans Rome. Le rez-de-chaussée du palais est dévolu à la galerie de moulages et aux salles d’étude du modèle vivant, et est accessible au public. Le premier étage (piano nobile) est celui du logement du directeur et des espaces de réception ornés de marbres, de copies d’antiques, de tentures des Gobelins et de nombreux tableaux, objets de magnificence qui peuvent être utilisés comme modèles par les artistes. Enfin le dernier étage, réservé aux pensionnaires, est un lieu de travail [1].

 

L’académie y réside jusqu'aux émeutes anti-françaises de 1793 et l'assassinat de son directeur et représentant de la République,Hugou de Bassville. En échange de la Villa Médicis, cédée à l'Académie de France à Rome en 1803, le palais passe au roi d'Étrurie, Ludovico di Borbone. En 1818, le palais est acheté par Louis Bonaparte, ancien roi de Hollande en exil à Rome. Il le vend à Maria Teresa, reine de Sardaigne, qui le donna à sa fille Maria Cristina, reine de Naples. Après d'autres changements de propriété aux Salviati, aux Borghese et enfin aux Aldobrandini, le bâtiment a été acheté en 1919 par la Banque de Sicile.

 

Le palais réunit un ensemble de bâtiments organisés au cours des siècles en deux ailes orthogonales. La façade sur le Corso, en pierres de taille en bossage, est découpée verticalement en trois parties par deux pilastres colossaux, comportant successivement trois fenêtres puis sept, puis trois ; horizontalement, la façade développe deux étages avec chacun une mezzanine. Au centre, un portail solennel orné de quatre colonnes doriques qui supportent un long balcon. Les fenêtres de l’étage noble sont à pignon, alternativement triangulaires et cintrées. Les fenêtres de l’étage supérieur comportent des frises florales. Le bâtiment est couvert d’une imposante corniche à angelots soutenant des festons et des corbeaux entre lesquels s'ouvrent les fenêtres du grenier. 

 

A l’angle de la place de Venise et du Corso, c’est à dire à l’un des endroits les plus fréquentés de Rome, se dresse le palais Bonaparte, célèbre pour avoir accueilli la mère de Napoléon, Laetitia Bonaparte [2]. Elle acheta ce palais en 1818 après avoir vendu ses propriétés françaises et y passa les dernières années de sa vie. Le palais avait appartenu à la famille d'Aste qui en avait commandé la construction à l'architecte Giovanni Antonio De Rossi en 1658. Le palais fut proposé à Laetitia par son banquier, le Duc Giovanni Torlonia, parce qu’il n’était pas excessivement grand tout en restant distingué et digne [3]. Mme Mère occupait l’étage noble, le deuxième étage étant mis à la disposition des parents qui venaient lui rendre visite. Il subit quelques modifications, cheminées néoclassiques, frises, peintures et grotesques. Le palais possède un balcon d’angle, couvert, peint en vert et aux persiennes de bois. A l’intérieur, il est peint d’élégants motifs de grotesques. C’est un « bussolotto » (ou mignano), une véranda fermée par des volets faisant penser aux moucharabieh d’Afrique du Nord. Ces bussolotti étaient appréciés pour regarder les processions du carnaval et la course de chevaux. Presque tous les palais de la Via del Corso en avaient alors un. Après l’interdiction de la course, en 1878, les bussolotti ont été démolis ; seul reste celui du Palazzo Bonaparte. Derrière ses persiennes, Laetitia Bonaparte observait les allées et venues des Romains. Devenue aveugle, Madame Mère se faisait décrire la circulation par sa dame d’Honneur, mademoiselle Rosa Mellini, demandant si les passants levaient les yeux vers la maison de la mère de l'empereur. Elle y mourut en 1836.

 


[1] Emilie Roffidal. Compte rendu du livre « L’Académie de France à Rome. La palais Mancini : un foyer artistique dans l’Europe des Lumières (1725-1792) », In « Annales historiques de la Révolution française », vol. 401, n°3, 2020.

[2] Depuis juillet 2019, après d'importants travaux de rénovation et suite à un partenariat entre Arthemisia, une entreprise culturelle organisant des expositions d’art, et Generali, la banque propriétaire du palais, les anciens appartements de Laetitia Bonaparte sont consacrés à des expositions artistiques temporaires, ouvertes au public.

[3] Site du Museo Napleonico de Rome. 

 

Liste des promenades dans Rome - liste des articles sur la traversée de Rome par le Corso

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