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Notes d'Itinérances
9 août 2013

Petit abécédaire de la RDA (3/34). A comme architecture socialiste.

Une architecture de "boite à chaussures" - Le Palais de la République... un palais du peuple !

 

 

Autour de l’Alexander Platz, des alignements de barres, ponctués de tours, apparaissent parfaitement organisés, « au carré ». Les matériaux utilisés sont l’acier et le verre, car ces immeubles sont destinés à des administrations, comme la Maison des enseignants qui présente une vaste fresque en façade, seul élément coloré dans tout ce gris ou ce blanc.

 

L’hôtel « Stadt Berlin », une tour de 120 mètres, 39 étages et comprenant 2 000 lits, domine le tout avec un restaurant panoramique au dernier niveau. De là-haut, on ne peut que constater les règles strictes de l’urbanisme du nouveau quartier de « l’Alexander » constitué d’angles droits et de vastes boulevards, venu remplacer les vieux quartiers du centre de Berlin. L’ensemble est organisé « à la prussienne », en lignes bien horizontales et verticales, avec des rythmes parfaitement réguliers dans la disposition des différents éléments architecturaux : parties bétonnées, fenêtres et balcons.

 

Pas la moindre rupture de rythme, pas la moindre fantaisie. Cela devient quasi caricatural avec le magasin « Centrum », une grosse boite à chaussures enrobée d’un treillis métallique. Seules quelques lignes courbes sur le pavage de la place rappellent la forme circulaire de l’ancienne Alexander Platz.

 

La critique d’une « organisation à la prussienne » est toutefois facile, je le concède, car la « rationalité française » a produit strictement les mêmes effets ! L’explication de cet urbanisme d’alignement de boites à chaussures est donc plutôt à chercher ailleurs, peut-être du côté d’une production de masse, rapide et au rabais ?

 

Le dernier-né des monuments de Berlin-Est, c’est le Palais de la République, siège du parlement et du gouvernement. L’architecture en est assez peu originale, trois cubes emboîtés les uns dans les autres, recouverts soit de marbre blanc, soit de verre fumé.

 

Le plus original toutefois n’est pas dans l’architecture mais dans l’utilisation du bâtiment. Celui-ci est largement ouvert au public, sept jours sur sept, et comprend treize restaurants et cafés, une salle polyvalente, un théâtre, un bowling : c'est une espèce de centre commercial de la « démocratie » où seraient installées des œuvres d’art sur les cimaises ! Œuvres d'art certes le plus souvent très didactiques, marquées d'un grand réalisme socialisme, quoique... parfois... Mais imagine-t-on une Assemblée Nationale où les Parisiens viendraient se promener le dimanche, en famille, pour y boire une bière, aller au spectacle ou y admirer des œuvres contemporaines ? [1]

 

Seul élément original d'architecture, la tour de télévision, une espèce de gros bilboquet sur lequel se serait empalé la boule. Plus de trois cent mètres et, là-haut, un restaurant tournant permettant, là encore, d’admirer la sage ordonnance des bâtiments modernes qui l’entourent.

 

Curieusement, dans cet ensemble architectural très ordinaire du centre de Berlin-Est, assez froid dans ses différents éléments, qu’ils soient urbanistiques - longues barres, hautes tours, larges boulevards et immenses places -, architecturaux - rythme des façades infiniment répété -, ou dans le choix de ses couleurs - blanc, gris et bleu -, on ne s’y sent pas mal à l’aise. Le lieu est « habité ». Est-ce parce qu’il est continuellement traversé en tous sens par des passants ? Est-ce parce qu’il est agrémenté de nombreux parterres de fleurs ? Est-ce parce que le lieu reste chargé d’histoire même si une grande partie des monuments anciens, le château, les immeubles fin-de-siècle de l’Alexander Platz, ont disparu ? Est-ce parce que les Berlinois ont pris l’habitude d’y venir flâner et s’y chauffer au soleil sur les bancs publics ou dans les cafés ?

 

Toujours est-il qu’en 1990, nous ne retrouvons pas ce plaisir de musarder sur le Marx-Engels Forum et l’Alexander Platz. Les plates-bandes de fleurs sont à l’abandon, le sol est jonché de détritus, papiers, canettes de bière, des punks à l’habillement agressif rôdent sur une place devenue déserte, des cars de police sont stationnés et des patrouilles surveillent la place. L’air est tendu, électrique. Le lieu est devenu semblable à une de nos banlieues tristes. C'est désormais un lieu sans âme, à la dérive, avec une police omniprésente.

 


[1] Proposition faite à nos édiles dans l’objectif de rapprocher le peuple de ses élus (2013).

 

Liste des articles sur la RDA.

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