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Notes d'Itinérances
9 août 2013

Petit abécédaire de la RDA (4/34). B comme Berlin - Hauptstadt der DDR.

Berlin et son architecture - Un quadrige baladeur et revanchard

 

 

« Là où se trouvait autrefois le berceau de Berlin et où s’est déroulée son histoire au cours des siècles, se trouve aujourd’hui le centre de la capitale de la R.D.A. On peut être fier de ce qu’est devenue au cours de quarante années de paix cette ville fantomatique en ruines à la fin de la dictature nazie et de la seconde guerre mondiale.

Les habitants de la capitale de la R.D.A, comme tous les habitants de notre pays, sont optimistes : ils vivent dans la sécurité matérielle et sociale, et ils ont profondément à cœur la sauvegarde de la paix » [1].

 

L’architecture contemporaine de la R.D.A a la charge d’une lourde hérédité : l’architecture prussienne de la fin du XVIIIe et du début du XIXe. La Porte de Brandebourg de Carl Gotthard Langhans est construite sur le modèle des Propylées, la cathédrale Sainte-Hedwige sur celui du Panthéon, ronde, avec une coupole haute et un portique à colonnes, la Galerie Nationale est édifiée, elle, sur l’exemple du Parthénon, le pont du château de Karl Friedrich Schinkel avec ses statues gréco-romaines, la Neue Wache (la Nouvelle garde) le sont à l’image d’un fort romain, l’Altes Museum, le Schauspielhaus toujours à l’imitation des monuments de l’antiquité. Une bonne part de ces monuments est signée Karl Friedrich Schinkel et exhibe portiques, colonnes, pilastres, atlantes, vasques, métopes et triglyphes, quadriges... Et tout cela tiré au cordeau, impeccable, plus romain ou plus grec que les monuments latins ou hellènes, plus grandiose, plus monumental, j’allais dire « kolossal ». Cela pourrait apparaître comme une tradition de l’architecture prussienne de faire plus grand, plus antique et solennel (voir aussi le Walhalla de Regensburg) mais, là encore, cette tendance n’a pas épargné tous les autres peuples européens au XIXe siècle. Il n’est qu’à voir, à Paris, l’Assemblée Nationale ou l’église de la Madeleine, sans parler des américains qui ont transformé le centre de Washington en forum romain, oui mais en cent fois plus grand au moins ! A Berlin, du plus antique, on passe ensuite au plus « pâtisserie » avec le Reichstag, la cathédrale ou le Bodesmuseum. en style néobaroque. Toujours plus énorme. Finalement, les architectures de la Stalin-allee ou celle de l’ambassade soviétique, construite en 1953, s’intègrent parfaitement dans cette continuité architecturale de murs colossaux, de colonnes et de bas-reliefs.

 

Les monuments berlinois paraissent plus massifs, plus froids qu’à Paris. Est-ce dû à leur situation dans la ville visant peut-être plus à la monumentalité et à l’affirmation de la puissance ? Est-ce la pierre utilisée ici, plus grise, moins blonde que le calcaire parisien ? Est-ce la couleur du ciel moins lumineux ? Ou tout simplement à une certaine mauvaise foi de ma part ?

 

Heureusement, il y a la grande avenue « Unter den Linden » avec des monuments de facture baroque, moins démesurés, d’un temps où Berlin n’était encore la capitale que d’un Etat modeste : la vieille bibliothèque appelée aussi « Commode » à cause de sa forme, l’ancien arsenal, le petit Deutsche Staatsoper, la Französicher Dom avec son étonnante coupole à très haut tambour, tout cela ayant un petit air de baroque italien.

 

Au fond d’Unter den Linden, c’est la Porte de Brandebourg surmontée d’un quadrige. Ce quadrige, de Johann Gottfried Schadow, présente la caractéristique d’être éminemment instable. Installé sur l’attique en 1794 pour symboliser la paix, il est parti se promener à Paris en 1806 avec les troupes napoléoniennes. De retour à Berlin, en 1814, avec les troupes prussiennes, la déesse de la paix qui brandissait une couronne de lauriers est transformée en allégorie de la Victoire brandissant une croix de fer surmontée d’un aigle prussien aux ailes déployées. Détruit en 1945, la R.D.A décide de réinstaller le quadrige sur la Porte de Brandebourg située en lisière du mur. Remodelé sur un plâtre original, il est replacé en 1958, en direction du centre de Berlin-Ouest. Au passage, il perd également sa croix de fer et son aigle prussien ! 1991, nouvelle restauration après la chute du mur et nouveau demi-tour ! En prime, il retrouve sa croix de fer et son aigle prussien [2]. Mais peut-être est-ce là la malédiction de tous les quadriges... les chevaux de Saint Marc ont bien autant voyagé, de Grèce ou de Rome selon une origine contestée, puis Constantinople, Venise, Paris, puis retour enfin à Saint Marc.

 


[1] Reisebüro. « Berlin, capitale de la R.D.A ». 1986.

[2] Un des exemples les plus symboliques, mais aussi des plus inquiétants, de la politique revancharde de la République Fédérale vis-à-vis de la R.D.A, mais aussi peut-être de l’Europe ? (2013).

 

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