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Notes d'Itinérances
12 août 2013

Petit abécédaire de la RDA (20/34). M comme Mur de Berlin.

Matérialité du mur - Et absurdité

 

 

« La paix en Europe était dangereusement menacée et le risque était grand que n’éclate un conflit à la frontière de la R.D.A avec Berlin-Ouest qui aurait dégénéré en une confrontation militaire aux conséquences imprévisibles. C’est pourquoi le 13 août 1961, l’Armée Nationale Populaire, les milices ouvrières et les autres forces armées de la R.D.A placèrent à la frontière avec Berlin-Ouest un dispositif de sécurité. L’action avait été concertée avec les autres Etats du Traité de Varsovie et les unités soviétiques stationnées en R.D.A y apportèrent leur soutien logistique » [1].

 

Le mur vient remettre définitivement chaque chose à sa place. Sa matérialité, sa brutalité, son absurdité, évacuent les doutes. Le mur, d’une hauteur de deux mètres environ, suit de façon stricte (à la prussienne ?) les limites du secteur d’occupation soviétique sur les bases du registre des cadastres de 1945. Il peut passer d’un côté d’une rue, ou en façade des maisons, il peut aussi couper une route en plusieurs endroits, traverser un carrefour, sectionner net les voies d’un tramway, fermer une bouche de métro. Si le tracé du cadastre fait de petits détours, des petits décrochements de quelques mètres, voire de quelques centimètres, en fonction des parcelles de terrain, le mur les épouse fidèlement.

 

Bernauer Strasse, le mur passe en façade des immeubles, les immeubles sont dans le secteur soviétique, la rue et le trottoir dans le secteur américain. En 1965, les portes, les portes cochères, les soupiraux des sous-sols, sont murés. Le portail de l’église de la Bernauer Strasse, la Versöhnungkirche, est lui aussi muré, empêchant les fidèles de pénétrer dans l’église. Seuls les contreforts du clocher font une protubérance sur le mur, car ils dépassaient les limites de la parcelle cadastrée. Pour les immeubles dont la façade est murée, c’est aussi la porte d’entrée qui l’est, interdisant aux habitants de sortir, sinon par les cours intérieures.

 

Ce seront ensuite les fenêtres de tous les étages des immeubles qui seront murées, les locataires déplacés, puis enfin les immeubles seront détruits pour laisser la place à un large no man’s land entre deux murs de béton lisse surmontés d’un boudin de métal afin d’empêcher toute escalade. Entre les deux murs, une voie dégagée pour contrôler les tentatives de passages où circulent des véhicules militaires.

 

Du côté « occidental », de petites estrades en bois sont aménagées pour permettre de regarder par-dessus le mur. Il n’y pas grand-chose à voir, sinon le no man’s land, puis un second mur et derrière des immeubles tout aussi gris et tristes. Comme un grand nombre de curieux défilent sur ces petites estrades, les autorités de la R.D.A ont planté, en face, des panneaux qui proclament : « Suivez la doctrine Halbstein - La doctrine pacifique de la R.D.A tient compte de la réalité ! ». Voilà une propagande qui ne coûte pas cher. A d’autres endroits (était-ce parce que l’estrade permettait d’observer l’enfilade d’une rue ?) les autorités « orientales » ont monté un échafaudage de bois de plusieurs mètres de haut. Réponse du berger à la bergère, les autorités de l’Ouest ont réalisé une tribune haute de trois ou quatre étages ! Pour voir quoi ? Une rue bordée de bâtiments début de siècle, marqués encore des stigmates de la guerre, comme à l’Ouest.

 

L’absurde de la situation est encore plus évident quand on est de l’autre côté, côté R.D.A, puisqu’il est possible, pour un touriste de l’Ouest, d’aller dans la rue que vous avez observée du haut de la plateforme ! Là où d’autres touristes vous regardent et ne manquent certainement pas de vous plaindre… Qui est l’Indien de qui ?

 

Les choses se compliquent avec le métro. Le U-Bahn, le métro souterrain, est sous administration occidentale, à l’Ouest comme à l’Est de Berlin. A l’inverse, le S-Bahn, le métro aérien, est lui sous contrôle soviétique ! Si la circulation des trains du S-Bahn sera suspendue en dehors de la zone soviétique, par contre le métro souterrain continuera à fonctionner de part et d’autre de la frontière, et servira d’ailleurs de lieu de passage pour les espions des deux côtés.

 


[1] Panorama DDR. « La RDA se présente ». 1984.

 

Liste des articles sur la RDA.

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