Petit abécédaire de la RDA (27/34). S comme Séjours de vacances.

L'organisation des vacances en pays socialiste - Un accueil chaleureux des Français

« Plus de la moitié des vacanciers sont pris en charge par le service syndical. En 1982, la F.D.G.B avait 670 établissements, sans compter les maisons des entreprises et les établissements ou gîtes sous contrat. En 1982, le Service vacances des syndicats et les entreprises ont vendu 4,7 millions de voyages de vacances. (...). La commission du service vacances constituée auprès de la section syndicale décide de l’attribution des séjours, avec une priorité pour les travailleurs postés, les familles de plusieurs enfants, les personnes effectuant des travaux pénibles. (...) Le Service vacances organise également les activités de dynamisation, les sports et l’activité culturelle en vacances. Les congés sont conçus comme un moyen d’effectuer les activités pour lesquelles le temps manque dans la vie quotidienne » [1].

Le centre de vacances « Fritz Heckert Heim » [2] accueille des ouvriers et employés d'Allemagne de l'Est dans le cadre du Service vacances des syndicats, mais aussi des groupes de touristes de pays étrangers, des pays socialistes, mais aussi de France, voire de quelques organisations démocratiques en lutte. Le centre est un ensemble hôtelier, avec chambres et une vaste salle de restaurant pouvant se transformer en salle de spectacle, situé à la sortie de la petite ville de Gernrode, dans une zone de collines boisées, premiers contreforts d'un très ancien massif montagneux, le Harz, dont le point culminant est à 1150 mètres. C'est essentiellement un centre de repos dans lequel les loisirs sont constitués de promenades dans le parc ou les environs, et de farniente.

Le groupe de Français est composé d'une trentaine de personnes, militantes communistes ou cégétistes pour la plupart. C'est l'association France - R.D.A qui a organisé le voyage, en car, à partir de Paris. Venant de Dijon, nous avons préféré venir directement, en voiture, ce qui nous permet aussi de rayonner autour de Gernrode et de visiter des villes importantes, Magdebourg, Halle, Leipzig, Weimar, Erfurt… Pour assurer l'organisation du voyage sur place et résoudre les petits problèmes quotidiens, l'association France - R.D.A a délégué un de ses membres, un ouvrier retraité de la banlieue parisienne, militant syndical et politique. S'il parle un allemand approximatif, avec un fort accent de titi parisien, il arrive à se faire comprendre de nos hôtes. Inutile de préciser que c'est un admirateur inconditionnel des réalisations de la R.D.A et un fervent défenseur du socialisme. Il a réponse à tout concernant nos interrogations sur le niveau de vie, l'organisation sociale, le culte de la personnalité, grâce à une connaissance approfondie de l'histoire et du pays.

L'accueil est sympathique, bon enfant, et le séjour serait particulièrement agréable si nous n'étions pas soumis à un strict régime alimentaire teuton : thé ou café léger le matin avec charcuterie et fromage, viande en sauce à midi avec accompagnement de pommes de terre, à nouveau charcuterie et fromage le soir... Pas la plus petite feuille de salade, pas le moindre légume vert, peu de fruits frais, pendant trois semaines ! Bien sûr, nous sommes victimes d'une bonne tourista d'autant plus difficile à supporter que nous sommes confrontés au papier toilette en dentelle de la production locale. Aussi, lors du retour, dès la frontière française passée, nous précipitons-nous dans un restaurant pour commander une grande salade avec tomates et laitue, ce qui n’était d’ailleurs pas le meilleur régime alimentaire pour notre tourista !

Le groupe de français est plutôt chouchouté par les délégations des autres pays de l'Est. Ne sommes-nous pas des « démocrates sincères », ou des militants communistes, en lutte au sein même du régime capitalisme pour le triomphe du socialisme, bref des alliés au cœur de la puissance ennemie ? Aussi, les sourires fleurissent dès que nous annonçons notre nationalité, nous serrons des mains et recevons des bourrades chaleureuses. Personne ne comprend la langue de l'autre, car aucun de nos amis bulgares, hongrois ou soviétiques, ne parle français, anglais ou même allemand, comme aucun de nous ne parle russe. Mais les tapes dans le dos, les mains secouées et les sourires éclatants valent tous les discours. Nous devons d'ailleurs sembler bien timorés à nos amis et camarades des « pays socialistes frères », car nos effusions restent policées sinon limitées.

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[1] Panorama DDR. « La RDA se présente ». 1984.

[2] Suite à la réunification, les activités sociales des syndicats ont été supprimées. Le centre « Fritz Heckert Heim » a été fermé, le personnel licencié, le bâtiment désossé, les structures en bétons abandonnées ainsi que le parc et les jardins, autre exemple de la politique de destruction systématique des avancées sociales en RDA (2013).

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