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Notes d'Itinérances
15 septembre 2013

Yémen - Aden Arabie (8/33). Enlèvement "officiel" à Dhamar.

La route pour Dhamar - Un enlèvement d'opérette bien que fortement armé - Un projet de lycée agricole - La ferme présidentielle

 

 

Après d’interminables faubourgs, en constante extension du fait de la croissance démographique de la capitale, la route traverse un paysage minéral au milieu de montagnes abruptes. En pente douce, elle atteint le Col de Naquil Yislah, à 2 800 m d'altitude, et plonge brutalement, cinq cent mètres plus bas, dans la plaine fertile de Ma’abar, une des grandes régions agricoles du pays. Le flanc sud de la montagne est taillé en terrasses, parfaitement cultivées, à l’image des montagnes chinoises de lœss. Les champs sont parsemés de tours qui permettent aux paysans de surveiller la nuit leurs cultures de qat et éviter que d’autres ne viennent cueillir les précieuses tiges au petit matin pour aller les vendre à leur place !

 

« Mais quand on arrive à Damar, on n’a presque plus de fatigue à souffrir et on commence, pour ainsi dire, à respirer, car le pays vient à s’ouvrir et à s’étendre en plaines fort agréables » [1].

 

Une quinzaine de kilomètres avant l’entrée de la ville, nous sommes arrêtés par un cortège officiel qui nous attend à un croisement de routes, avec automobiles 4x4 et gardiens bardés de kalachnikovs ! Ayant eu vent de notre passage dans sa province, le gouverneur de Dhamar a décidé, non sans malice, de nous kidnapper « officiellement » l’espace de quelques heures. L’enlèvement d’étrangers est une spécialité locale des tribus yéménites pour assurer leur financement et leur développement. Par une petite route, nous traversons quelques villages encore en ruine suite au séisme de décembre 1982 lequel aurait fait 1 500 morts et détruit 11 000 maisons, dont une bonne partie de la vieille ville de Dhamar. Notre caravane s’arrête finalement devant un magnifique mur, tout neuf. On nous ouvre le portail et l’on nous fait pénétrer dans un terrain strictement vide, en friche certes mais fort bien défendu : un mur d’enceinte de deux mètres, un portail métallique, un poste de gardiennage et de nombreux gardiens : c’est le terrain réservé par le Gouverneur pour la construction d’un institut d’enseignement agricole pour lequel il espère la participation de la France !

 

« …à un quart de lieu seulement de Damar, on trouve la ville Mouab (al-Mawâhib), qui est le séjour ordinaire du Roi d’Yémen » [2].

 

Le secrétaire général du Gouvernorat a néanmoins le bon goût de ne pas insister trop lourdement et nous convie à visiter la ferme présidentielle située non loin. La région était, de tradition, le séjour des rois du Yémen. C’est alors dans une autre agriculture que nous pénétrons : plus de petits champs aux formes imprécises, plus de culture de qat, plus de tours de guet, mais des grandes cultures mécanisées de céréales, de fourrages et de vigne, même si le désherbage des cultures fourragères est opéré manuellement, en pleine chaleur, par des femmes enveloppées des pieds à la tête dans des voiles noirs ou colorés.

 

Dans un belvédère dominant les terres présidentielles, nous sommes invités à partager un petit « en-cas », à même le sol : des galettes de pain, très fines et toutes chaudes que l’on trempe dans du petit lait agrémenté d’ail et d’épices. Le groupe qui nous entoure est des plus curieux. Si les principaux responsables sont en costume et cravate, ils complètent délicatement leur habillement d’une touche personnelle : un révolver à la ceinture par exemple. Les autres personnes, toutes masculines bien entendues, portent généralement une longue chemise de coton sans col, la zanna, un large morceau de tissu de couleurs vives aux dessins géométriques, couvrant les jambes, la futa, laquelle est serrée à la taille par une large ceinture où est passé le fourreau avec son poignard recourbé, la jambia. Mais là encore, le costume de base, déjà un tantinet guerrier, pourra être agrémenté, en complément, d’une kalachnikov ou d’un fusil mitrailleur. Sans quitter son arsenal, chacun s’accroupit, mange très vite ses morceaux de galette de pain, se relève et part faire autre chose…

 


[1] Jean de La Roque. « Voyage de l’Arabie Heureuse par l’Océan Oriental et le Détroit de la Mer Rouge, Fait par les François pour la première fois, dans les années 1708, 1709 & 1710. Avec la relation particulière d’un Voyage Fait du Oort de Moka à la Cour du Roy d’Yémen, dans la féconde Expédition des années 1711, 1712 & 1713 ». 1716.

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