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Notes d'Itinérances
15 septembre 2013

Yémen - Aden Arabie (9/33). Comment je suis devenu un "cheick" !

Visite d'un Institut de recherche agronomique - Remise des attributs du "cheik" - Le port de la Jambia

 

 

Après la visite de la ferme présidentielle, visite d’un institut de recherches agronomiques appliquées ! Jadis, Dhamar était « le » grand centre d'élevage des chevaux arabes, tous disparus aujourd'hui, les derniers ayant été pris (de mauvaises langues disent « mangés ») par les Egyptiens au cours de la révolution de 1962. La réception dans l’institut donne lieu, bien sûr, à de nombreux discours. Bien que nous soyons vendredi et que le prêche de midi soit proche, les allocutions n’en finissent pas, chaque représentant des différentes administrations de la province souhaitant présenter aux membres de la délégation française qui l’agriculture de la Province, qui son institut, qui sa faculté d’agronomie… ou insister tout simplement sur la nécessité pour le gouvernorat de disposer enfin d’un établissement d’enseignement agricole dans la zone la plus agricole du pays !

 

Nous prenons des notes consciencieusement, bien que nous sachions qu’il existe malheureusement fort peu de chance que la France prenne à sa charge la construction d’un tel établissement. Il y a beau temps, hélas, que la France n’a plus de politique de coopération internationale ambitieuse et dynamique. Plus d’investissements et de moins en moins de coopérants français. C’est simple, les coopérants techniques français sont aujourd’hui moins nombreux dans le monde qu’ils n’étaient dans la seule Tunisie à la fin des années 70 !

 

Après nous avoir remis un ouvrage sur les caractéristiques de l’agriculture de la province, en arabe ( ! ), le secrétaire général du Gouvernorat me remet, en tant que « chef » de la délégation, la futa ainsi que la jambia que tout bon yéménite se doit d’arborer. On m’affuble de l’ensemble, le tout dans la plus grande bonhommie, ce qui se termine inévitablement par une séance de photos où chacun tient à être à mes côtés ! L’ensemble doit être assez curieux, voire plutôt cocasse, mais il faut nécessairement se prêter au jeu avec le plus grand sérieux. Comme le souligne le secrétaire général du Gouvernorat, me voilà devenu un cheik !

 

Réservé autrefois aux aristocrates, le célèbre couteau recourbé, image symbole du Yémen, est porté aujourd'hui par la majorité des hommes dans la région centrale des Hautes Terres, peu, voire rarement, dans la région d’Aden ou la plaine de la Tihama qui longe la mer Rouge. Il existe deux sortes de jambias : la plus courante en forme de J, « l’Asid », et la « Thuma », moins recourbée, réservée à la caste des descendants du Prophète et aux qadi (juges). Le fin du fin est de posséder une jambia au manche en corne de rhinocéros. A défaut, elles peuvent aussi avoir un manche en ivoire, incrusté d'or et d'argent. Les Yéménites, même modestes, peuvent consacrer des fortunes pour l’achat d’une jambia. Notre chauffeur a dépensé l’équivalent de mille euros pour acheter la sienne, soit plus de six mois de salaire d’un fonctionnaire moyen.

 

La jambia n'est plus, bien sûr, une arme de défense. Il est strictement interdit, et même pire, déshonorant, de la sortir de son fourreau. C’est manifestement un objet à très forte valeur symbolique, qui se transmet de père en fils, marquant une appartenance tribale ou une appartenance de classe. C’est de fait un marqueur identitaire et symbolique à l’image de la cravate en Europe ! Ce n’est donc peut être pas tout à fait un hasard si notre chauffeur, fonctionnaire du ministère de l’enseignement technique, a porté la jambia les premiers jours du voyage, manière, peut-être, de nous faire savoir qu’il n’était pas n’importe qui. Si le fourreau est vert, elle est alors portée par des citadins, alors que les montagnards arborent un fourreau marron. A Sanaa, la jambia est portée au milieu, mais en zone rurale elle est portée sur le côté, ce qui est d’ailleurs certainement beaucoup plus commode pour marcher, s’asseoir ou conduire une voiture ! Il est vrai que les citadins lui ont trouvé toute une série d’usages pratiques : il n’est pas rare de suspendre à la jambia un sac plastique dans lequel on mettra ses courses ; c’est aussi un bon moyen pour porter un cahier ou un livre !

 

A l’issue de la cérémonie à l’institut et l’exercice de la prière du vendredi, toutes les personnes présentes, une cinquantaine, sont invitées à déjeuner dans une espèce de Motel situé au bord de la route de Sanaa à Taez. Une vaste salle aux tables en formica sur lesquelles on nous sert un ragoût de mouton, du poulet frit, du riz et des frites, le tout accompagné de galettes de pain et arrosé au Pepsi-Cola. Mais là encore, à peine assis, nos hôtes se précipitent sur la nourriture qu’ils avalent à toute vitesse, pour se lever immédiatement. Le repas ne semble pas être une affaire de convivialité très marquée.

 

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