Yémen - Aden Arabie (11/33). Le qat, drogue et poison social.

La culture du qat - la commercialisation et la consommation du qat

Après le repas, à la place d’un bon café, on nous offre de participer à une séance de qat chez le secrétaire général de la préfecture.

La culture du qat est concentrée dans les hauts plateaux du pays, sur des terrasses irriguées par récupération des eaux de ruissellement mais aussi par pompage dans la nappe phréatique. Il représente actuellement 8% du PIB, 40% de la production agricole et 10% des dépenses de consommation des ménages et près de 15% de la main-d’œuvre nationale est employée dans sa production et sa commercialisation.

En 2005, la superficie plantée de qat couvrait 127 000 hectares de terres principalement irriguées (25% de la superficie irriguée) et utilisait 30% de l’eau utilisée chaque année. Les plantations de qat rivalisent avec les cultures vivrières et les cultures d’exportation. Les surfaces cultivées en qat ont connu un accroissement très important depuis le début des années 1970, souvent au dépend de la culture du café, de 4 000 ha à 136 000 ha !

Le qat est un arbre au feuillage permanent, de la famille des célastracées. La cathinine, son principe actif, est un alcaloïde léger, une sorte d'amphétamine particulièrement concentrée dans les jeunes pousses. Comme pour le thé, on récolte les jeunes pousses. Leur mastication a des effets à la fois stimulants et narcotiques.

Les amphétamines, contenues dans les jeunes feuilles de qat, très instables obligent à ce que la consommation se fasse dans les deux ou trois heures qui suivent la cueillette si l'on veut bénéficier du maximum d'effet. Cette contrainte ne laisse pas place à une succession de revendeurs, aussi de puissant 4x4 viennent-ils faire le ramassage, chaque matin, des récoltes de qat opérées dès le lever du jour, pour les conduire au plus vite vers les centres de consommation où ils sont répartis entre revendeurs. En fin de matinée, vers onze heures du matin, chacun se rend sur les lieux de vente du qat pour acheter la ration qu'il consommera en compagnie d'amis masculins.

Suite à la guerre du Golfe et l'expulsion des sept cent mille Yéménites d’Arabie Saoudite, le qat aurait joué un rôle important dans la réintégration sociale des émigrés par la remise en culture de nombreuses terrasses abandonnées. La culture du qat a participé à freiner l'exode rural en assurant des revenus aux agriculteurs ainsi qu’au développement du réseau routier vers les campagnes. Aucune culture de substitution aussi rentable que le qat n'a pu être trouvée pour pousser sur les terrasses des versants abruptes des hauts plateaux yéménites car la culture du qat rapporte au producteur plus que n'importe quelle autre culture agricole.

Il semble que l'usage du qat au Yémen remonterait au XIIIe siècle ou au début du XVe siècle. Importé d'Éthiopie, il n'était consommé qu'en décoction appelée kahouat al-catiat (le café de cat). Cette boisson fut remplacée par le kahouat al-boun (café de grain). A partir du XIXe, c'est l'Imam qui en encouragea la culture afin de pallier les effets négatifs de la chute des cours du café. Avec la Révolution de 1962, la consommation du qat - jusque-là réservée aux classes sociales élevées - s'est démocratisée au point que nombreux sont ceux qui considèrent qu'il s'agit d'un acquis de la Révolution.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le qat est consommé par 60 à 80% des hommes, mais aussi 30 à 50% des femmes et même 15 à 20% des enfants de moins de 12 ans ! Le qat est aujourd’hui, au Yémen, une expression forte de l'identité culturelle du pays comme le vin l’est à la France. Mais le qat représente une part importante du budget familial, pour une famille de fonctionnaire cela peut représenter le tiers du budget. Les dépenses de qat se font au détriment des autres dépenses courantes, notamment des dépenses pour satisfaire les besoins vitaux y compris pour les enfants.

Liste des articles sur le Yémen

Télécharger le document intégral