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Notes d'Itinérances
18 septembre 2013

Yémen - Aden Arabie (17/33). Chez les "suffragettes" d'Abyan.

Visite au gouverneur de la Province - Puis au lycée agricole - Un lycée agricole exceptionnel qui accueille des filles dans des classes mixtes !

 

 

Le lendemain, nous allons visiter notre premier lycée technique agricole. Il est grand temps d’observer quelque chose qui ressemble à un établissement scolaire, avec des salles de classe, des professeurs, des étudiants et, luxe suprême - car l’on pourrait encore avoir séparément les uns et les autres - des activités effectives de formation des seconds par les premiers !

 

Abyan est situé à l’Est d’Aden, à une cinquantaine de kilomètres, en bordure de l’Océan Indien. Une large autoroute y conduit, sur laquelle la circulation est aussi maigre que la végétation avoisinante : à droite le sable d’une magnifique plage sans un brin d’ombre, à gauche le sable du désert. Fascinant. De temps en temps, la platitude de l’horizon est écorchée par la cabane branlante d’une famille de pêcheurs dont on se demande bien où ils sont allés chercher les matériaux qui la composent et comment ils peuvent vivre au milieu de rien, sous un soleil aussi terrible et pervers.

 

Tout aussi étonnant, l’existence de magnifiques murs d’enceinte posés sur la plage, recouverts progressivement par le sable. A l’intérieur : rien ! Qu’étaient-ils censés « enceindre » ? Des villas d’apparatchiks ? Des complexes touristiques ? Mystère, car il n’y a pas le moindre début de construction de quoi que ce soit, ni réseaux, ni fondations.

 

Bien sûr, la visite de l’établissement commence par la case « gouverneur ». Les véhicules sont garés dans une première cour, fermée de hauts murs et d’un portail métallique impressionnant, gardée par des hommes en armes, comme il se doit. Nous sommes introduits dans une vaste salle, type salle de conférence, où l’on nous prie d’attendre, le gouverneur étant en réunion avec une autre délégation. Peu de temps après nous sommes conviés à rejoindre le gouverneur qui nous reçoit au milieu d’un jardin parfaitement engazonné, agrémenté de parterres de rosiers, sous un kiosque en plein air. Dans ce petit Eden, après avoir choisi les « sucreries » que nous souhaitons déguster, pepsi ou soda orange, nous présentons, une nouvelle fois, les objectifs de notre mission, mission dont le gouverneur est d’ailleurs parfaitement informé par les nombreux documents officiels qu’il a reçu précédemment des différentes autorités yéménites elles-mêmes. Mais les règles de base de la politesse doivent être respectées de part et d’autre : l’étranger doit se faire connaître au chef des autorités locales et expliquer le pourquoi de sa présence ; le « Cheik » doit accueillir l’étranger et l’écouter d’une oreille bienveillante et lui souhaiter un agréable séjour. C’est l’usage.

 

Nous avons ensuite le droit de visiter notre lycée agricole. Pour qui a déjà vu des établissements d’enseignement technique de pays en développement, l’institut d’Abyan surprend plutôt favorablement. Certes, les locaux auraient le plus grand besoin d’un entretien généralisé : réparation des toitures qui laissent manifestement passer la pluie (quand il y en a), revêtements de sols tâchés et déchirés, peintures fatiguées, circuit électrique avec des fils baladeurs assez inquiétants, mobilier car s’il y a des chaises il n’y a pas toujours de tables ce dont les élèves ne semblent pas souffrir exagérément écrivant sur leurs genoux. Mais, l’ensemble est nettoyé, le hall de l’école présente des travaux récents d’élèves pour la diffusion d’informations techniques auprès d’agriculteurs, les livres et documents de la bibliothèque sont rangés et numérotés même s’ils sont souvent anciens, le matériel pédagogique est également rangé : rétroprojecteurs, projecteurs de diapositives et de films super 8, téléviseur et caméscope. Ces matériels semblent utilisés régulièrement et l’on nous montre de petits montages vidéo réalisés par le responsable de l’atelier.

 

Autre élément d’appréciation très positif, voire même absolument révolutionnaire, l’établissement accueille filles et garçons et même plus de filles que de garçons ! Bien sûr, la révolution a ses limites. Sur les photographies des différentes promotions exposées dans le hall, si filles et garçons sont mélangés, les garçons sont devant, les filles derrière, et toutes totalement recouvertes des pieds à la tête, y compris les mains, par le foulard noir, « l’abayia ». Quelques-unes, les plus délurées peut-être, ou les plus féministes j’espère, n’ont pas couvert leurs yeux. Je me demande d’ailleurs comment les profs peuvent reconnaître leurs élèves ? Aussi affligeant, désespérant et révoltant que peut être cette situation, elle n’en est pas moins un pas en avant absolument considérable : les filles vont à l’école, les classes sont mixtes ainsi que les professeurs, ce qui heurte encore la très grande majorité de la population yéménite. Nos malheureuses jeunes filles, couvertes totalement par leur linceul noir, n’en sont pas moins de très révolutionnaires suffragettes au Yémen ! Elles ont un immense mérite d’étudier dans des conditions aussi difficiles.

 

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