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Notes d'Itinérances
20 septembre 2013

Yémen - Aden Arabie (23/33). La place des femmes dans la société yéménite.

Une absence assourdissante - Des évolutions très très lentes

 

 

« Les femmes, excepté un petit nombre de celles du commun, ne paraissent jamais de jour dans les rues de Moka. Le soir, elles ont un peu plus de liberté, qui consiste à s’entre visiter (…). Quand elles trouvent des hommes en leur chemin, elles se rangent aussitôt toutes d’un même côté, contre les maisons, pour les laisser passer, gardant le silence et une grande modestie. Elles sont à peu près vêtues comme le sont en général les femmes d’Orient dont les habits sont décrits par les voyageurs, ayant sur toutes choses un grand voile d’une toile fine de couleur qui leur cache le visage sans les empêcher de voir au travers » [1].

 

Un des éléments les plus frappants, et des plus difficiles à admettre, c’est bien sûr celui de la situation économique et sociale des femmes. Peu présentes dans les rues des grandes villes, on croise parfois l’une d’entre elle, couverte des pieds à la tête d’un voile noir, « l’abayia ». Celui-ci peut recouvrir totalement la tête et c’est au travers du voile que les femmes peuvent voir pour se diriger. Nombreuses sont celles qui portent également des gants noirs de façon à ce qu’aucune parcelle de leur peau ne puisse être visible. Si le port d’un foulard est une pratique traditionnelle en zone rurale, celui-ci est généralement très coloré, aux couleurs vives, de même que la robe et le grand tissu dans lequel elles s’enveloppent à la manière d’une cape, la « sitara ». Suite à la première guerre du Golfe et à la prise de position du pays contre l’intervention américaine, beaucoup de yéménites émigrés en Arabie saoudite furent expulsés et obligés de revenir au Yémen. Ceci eut pour conséquence, outre une baisse importante des entrées de devises dans le pays, la pénétration des idées wahhabites dans la société yéménite qui se manifeste notamment par le port d’une « abayia » uniformément noire.

 

Lors d’une de nos rencontres avec des représentants d’organisations internationales sur les questions éducatives, une jeune femme, travaillant pour un Fonds de Développement, s’est présentée dans cette tenue. Si celle-ci ne lui couvre pas totalement le visage, seuls ses yeux, très maquillés d’ailleurs, sont visibles derrière le « chirchaf ». Manifestement jeune, elle parle un anglais irréprochable et sa carte de visite signale qu’elle est titulaire d’un PhD. Ayant fait des études supérieures, certainement à l’étranger, aux USA ou en Grande-Bretagne, comment peut-elle se plier à cette coutume barbare ? C’est par ailleurs fort troublant de converser avec une personne qui se dissimule ainsi totalement, dont on ne voit que les yeux, tant il est vrai que moins on en voit et plus on fantasme ! Finalement, on ne sait pas comment s’adresser à cette réapparition de Belphégor qui a pourtant de si jolis yeux. Bien qu’enfermée dans ce linceul, cette jeune femme a néanmoins beaucoup de chance car son époux lui permet de travailler et d’avoir des relations sociales !

 

En zone rurale, les femmes travaillent activement et jouent un rôle clef dans la production végétale : elles labourent, sèment, irriguent, récoltent, stockent et vendent les produits de l’exploitation. Leur rôle est plus important encore dans le secteur de l’élevage où elles assurent l’alimentation du bétail, l’entretien, la traite, la conduite du troupeau, la transformation des produits, la vente. Mais leur accès à l’éducation est très limité : 67% de femmes sont analphabètes contre 27% pour les hommes en moyenne nationale, mais 87% chez les femmes rurales. De plus, les lourdes charges de production qu’elles assument, en sus de celles du ménage et des soins aux enfants, induisent des durées de travail estimées à 16 heures par jour, ce qui les empêche souvent de s'intégrer dans les programmes de formation réalisés dans les villages [2].

 

En zone urbaine, les femmes accèdent progressivement au marché de l’emploi en remplaçant les femmes d’origine étrangère qui étaient occupées dans les secteurs de l’enseignement, de la santé, mais aussi le secrétariat dans les ministères, les ONG, les organisations internationales. Dans les administrations, il n’est pas rare de voir des femmes occupées à des tâches de secrétariat même si celles-ci sont encore largement occupées par des hommes.

 


[1]Jean de La Roque. « Voyage de l’Arabie Heureuse par l’Océan Oriental et le Détroit de la Mer Rouge, Fait par les François pour la première fois, dans les années 1708, 1709 & 1710. Avec la relation particulière d’un Voyage Fait du Oort de Moka à la Cour du Roy d’Yémen, dans la féconde Expédition des années 1711, 1712 & 1713 ». 1716.

[2] Wafa Abdelwahed Mohamed. « Document de travail sur le rôle de la femme rurale dans le domaine de l’élevage ». Ministère de l'agriculture et d'irrigation. Direction de la promotion de la femme rurale. Mai 2007.

 

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