Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
21 octobre 2013

En pays maya - Yucatan et Hautes Terres (21/24). Aperçu de quelques églises baroques du Yucatan et des Hautes-Terres.

Un baroque caractérisé par l'exubérance de ses ornementations plus que par les innovations architecturales

 

 

Avec la colonisation espagnole, c’est aussi l’église catholique qui s’implante. Elle le fit en détruisant les lieux de culte mayas, leurs idoles, en combattant souvent avec violence les croyances des populations indiennes à l’exemple de Diego de Landa Calderón dans la petite ville de Maní. Dans le même temps, bien sûr, elle faisait construire des lieux de cultes chrétiens au fur et à mesure de l’implantation coloniale, souvent sur les lieux mêmes qui avaient servis aux dieux mayas. Ces premières églises ont un plan généralement des plus simples, à une seule nef, ou à une nef et ses collatéraux dans les grandes villes, avec parfois une coupole à la croisée du transept. Si l’urgence était certes d’offrir des lieux de culte aux colons et aux masses indiennes à christianiser, les « canons » architecturaux sont ceux de la Renaissance italienne : rigueur, symétrie, proportion avec usage de l’arc en plein cintre (Cf. les églises de Valladolid, Izamal ou Campeche dont la construction date de la moitié du XVIe siècle). Un bel exemple est donné avec le porche d’origine de la cathédrale de Valladolid qui ressemble à un arc de triomphe.

 

Par la suite, ces églises furent souvent enrichies de nouveaux ornements, c’est ainsi qu’à Campeche comme à Valladolid, de nouvelles façades furent érigées au début du XVIIIe siècle. Celles-ci tiennent compte, bien évidemment, des nouveaux canons esthétiques de l’architecture baroque. Toutefois, si les façades sont agrémentées de quelques éléments décoratifs simples, pilastres à cannelures, niches, colonnes engagées… rares sont les ordres superposés en frontispice, les galeries, loggias, gables, oculi, balustres, acrotères ou pots à feu qui prévalaient généralement. Outre le fait qu’il ne devait pas y avoir dans la colonie un grand nombre d’architectes de la trempe d’un Borromini, d’un Bernin, d’un Dientzenhofer ou d’un Balthazar Neumann, la tradition architecturale espagnole des lieux de culte, y compris baroque, est moins centrée sur la dynamique des formes, la hardiesse des structures, que sur la somptuosité de la décoration intérieure.

 

« L’autel principal (capilla major ou presbyterium, qui correspond au chœur des églises françaises) est surmonté d’un retable selon la tradition de l’âge précédent, mais qui au lieu d’être compartimenté en petits tableaux, prend de plus en plus le caractère d’une composition architecturale, articulée en plusieurs corps, à la manière d’un arc de triomphe. Les colonnes, les frontons, les entablements y imposent une structure à l’espace ; les scènes peintes et les statues se donnent la réplique, et le résultat est de composer un grand appareil scénographique » [1].

 

La somptuosité, qui servira de gage à la « vraie foi » auprès des foules indiennes, s’étale à l’intérieur de l’édifice, non par les formes savantes ou les décorations – formes rondes ou ovales, pilastres et colonnes, chapiteaux enrichis de palmes et de feuillages en volutes, doubles entablements - mais avec la multiplication des retables de bois doré, dans le chœur et sur les côtés de la nef, en lieu et place des chapelles latérales. Chacun est un petit arc de triomphe, avec une composition souvent savante, multipliant les niches dans lesquelles trônent Christ, Vierge Marie et Saints. A la rigueur de la composition du retable et à l’exubérance de son ornementation dorée, s’oppose la facture souvent simple et naïve des statues, aux proportions maladroites, aux gestes gauches et aux couleurs vives. Cette somptuosité envahira parfois la façade, sur le même principe, comme à San Francisco el Alto, Almolonga, Zunil, Quetzaltenango, mais surtout à Antigua !

 

« Mais les décorations qui fourmillent sur la plupart des façades attestent bien, comme l’a observé Louis Gillet, qu’on a cherché des modèles dans les retables » [2].

 

Si l’on sentait dans les retables la main d’artistes locaux, moins influencés par les canons esthétiques européens, la décoration de la façade de l’église de San Andres Xecul a été confiée à des artistes indiens. Composée, elle aussi, comme un retable, avec des colonnes torsadés abritant des niches, sur un fond jaune canari est peint un décor luxuriant de feuilles vertes et de fruits rouges où volètent des anges vêtus de rouge ou de bleu. Les niches sont occupées par des Saints et une très rare représentation de Marie enceinte, le Concile de Trente (1563) en ayant limité la diffusion.

 


[1] Victor Louis Tapié. « Baroque et classicisme ». 1980.

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 988 537