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Notes d'Itinérances
14 novembre 2013

Cuba, deux ou trois choses à propos de l'ïle du "lézard vert" (7/47). L'hôtel Sevilla et les chiens errants de La Havane.

La réputation sulfureuse de l’hôtel Sevilla - Les pastiches fin de siècle - Les chiens errants de La Havane

 

Cuba La Havane Prado Hotel Sevilla

Autre monument célèbre proche du Prado, l’hôtel « Sevilla », construit en 1908, comprenant 178 chambres. La façade, majestueuse, de style mudéjar, est ornée d’arcs brisés et outrepassés, de fenêtres géminées, et d’une décoration sur fond jaune à « sebkha », composée de petits arcs lobulés de pierres en relief formant des losanges répétés. Ont été ses clients : Caruso, Lola Fiores, Joséphine Baker, Graham Green, Paul Maurand, Georges Simenon, Hemingway bien sûr (mais dans quel hôtel de La Havane n’est-il pas allé ?). Al Capone loua la totalité du sixième étage, et de nombreux autres mafieux américains y furent hébergés, c’est pourquoi le casino du Sevilla fut symboliquement détruit en 1959 après la victoire des révolutionnaires castristes !

Il peut aujourd’hui nous apparaître curieux de transposer sur le sol américain un pastiche d’architecture arabo-andalouse ? La bourgeoisie européenne triomphante a exporté partout dans le monde ses différents styles architecturaux, du néogrec au néoclassique, sans oublier le néogothique ou le néo Renaissance, avec leurs différentes variantes allemandes, anglaises, espagnoles, françaises ou portugaises ! L’hôtel Sevilla n’est donc pas plus choquant que la cathédrale de Ouagadougou de style néogothique, les chaumières pseudo normandes ou pseudo basques de Dalat au Viêt-Nam, ou l’Atheneum de Bucarest en style néogrec. Enfin, il faut souligner l’importance de l’émigration arabe, du Liban, de Syrie et de Palestine, en Amérique latine au début du XXe siècle, notamment à Cuba. Amin Maalouf, dans la recherche de ses origines, fait notamment référence à cette émigration libanaise à Cuba. A quelques mètres de l’hôtel Sevilla, de l’autre côté du Prado, existe toujours un centre culturel arabe, ainsi qu’en centre-ville, lequel comprend une mosquée.

Si Rome et Venise sont toutes deux villes de chats, La Havane comme Sanaa est ville de chiens errants. Petits, jaunes, à poils courts, ils sont partout. Ils se déplacent le plus souvent en petites bandes au sein desquelles se règlent constamment des conflits de préséance et de pouvoir à coup d’aboiements, d’affrontements et de poursuites.

 « … son cœur faillit se briser en découvrant un chien poilu et sale qui sommeillait sur un tas d’ordure, sous l’un des bancs… Poubelle, qu’est-ce que tu me racontes de la vie ? L’interrogea-t-il, pensant peut-être que l’animal avait été chassé d’une maison par des maîtres cruels et bizarres, de ceux qui préfèrent se débarrasser de leur chien plutôt que de lui enlever deux tiques »[1].

Les chiens de La Havane semblent vivre comme ils le peuvent, les Cubains ne manifestant aucune sympathie particulière pour eux. Toutefois, ils ne manifestent pas non plus d’aversion ou d’antipathie pour ces chiens vagabonds. Simplement, les chiens font faire partie du paysage au même titre que les arbres, les pavés et les lampadaires. A moins que les Cubains ne les tolèrent en souvenir des temps difficiles qu’ils ont traversé, leur laissant, à eux aussi, le droit de survivre.

Plutôt sauvages, gueulards, ils sont sales et généralement galeux, ce qui n’incite pas vraiment à s’intéresser à eux ou à les caresser. Ils donnent plutôt envie de les éviter. Ils se déplacent au gré de leur fantaisie, ou plus sûrement à la recherche de quelque chose à manger. L’un d’entre eux nous a accompagné longuement du centre de la Havane jusqu’aux quartiers du Prado, sans rien demander, sinon peut-être un peu d’intérêt à défaut de tendresse et de caresses ? Il trottait devant nous, nous attendant avec un peu d’impatience quand nous nous arrêtions, traversant sans hésiter rues et boulevards, restant toujours sagement à quelques mètres. Peut-être était-ce Poubelle car il semblait moins misérable que les autres ? Toujours est-il qu’il finit par nous abandonner du côté du Sevilla aussi sûrement qu’il nous avait fidèlement suivi quand il comprit que nous rentrions dans un immeuble, sans même faire mine de nous suivre. Peut-être était-ce tout simplement son heure pour retourner chez El Conde pour y mendier un reste de repas ?


[1] Leonardo Padura. « L’automne à Cuba ». 1998. Poubelle est le nom du chien recueilli par le détective El Conde.

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