Cuba, deux ou trois choses à propos de l'ïle du "lézard vert" (41/47). D’un lieu non conventionnel à une maison bourgeoise.

El Mejunje (la concoction) - Le musée des arts décoratifs

A Santa Clara, Les images puériles de « l’archange » de la Révolution cubaine se télescopent avec l’existence d’un lieu alternatif des plus curieux, El Mejunje, situé au 12 calle Marta Abreu, non loin de la place Léoncio Vidal, dans les ruines de l'hôtel « Oriental » pour les uns, d’une agence de vente de pneus de marque « Firestone » et de pièces détachées pour voitures pour les autres. Dans une ruine dans les deux cas, devenue toute à la fois le symbole de l’incurie des autorités dans la gestion du patrimoine, mais aussi de la marginalité des activités du lieu où il est "interdit d'interdir" selon le slogan graphé au mur.

C’est une sorte de club ouvert à tous, au prix d’entrée très faible, où chaque groupe, chaque communauté, peut venir se réunir et proposer ses activités : des pièces de théâtre, des expositions d'art, des festivals de chanson, des récitals de poésie. Ce peuvent être aussi bien des activités religieuses de la communauté afro-cubaine, un groupe de rock d’une église venu chanter son espoir en Jésus, des défilés de travestis, un groupe de chanteurs tous âgés de plus de 70 ans sortis de leur maison de retraite, mais aussi des jeux et spectacles pour enfants qui ont lieu tous les dimanche matin. Le lieu peut même être loué pour y célébrer des anniversaires !

Il faut reconnaître que cette belle unanimité autour des activités d’El Mejunje, est assez récente. Aujourd’hui, « Juventud Rebelde », le journal de la jeunesse cubaine rend même compte des activités d’El Mejunje et présente une interview du « directeur de la prestigieuse institution culturelle dans la ville de Santa Clara ».

Dans les années 60 et 70, El Mejunje était plutôt la bête noire des autorités qui acceptaient mal les homosexuels, les travestis, les hippies, les chanteurs aux textes non conventionnels. Bref, El Mejunje était un cauchemar pour les responsables locaux qui essayèrent plusieurs fois de l’interdire ! Cuba n’a d’ailleurs pas le privilège des esprits étroits et rétrogrades : la France a malheureusement ses Christine Boutin et ses ligues familiales de vertu, bien pensantes et homophobes, qui luttent contre le PACS, contre le droit à l’avortement et qui, au nom d’une certaine vision chrétienne, essayent d’imposer à tous leurs règles morales ! Je fais le pari qu’un lieu tel qu’El Mejunje, situé au cœur d’une de nos villes moyennes, développant des activités nombreuses et non conventionnelles, aurait aussi maille à partir avec nos autorités locales.

Le musée des Arts décoratifs est installé dans le plus bel édifice colonial de Santa Clara, un palais construit au XVIIIe siècle pour une des grandes familles de la ville. Comme dans les musées similaires de La Havane, Trinidad ou Sancti Spíritus, il présente essentiellement une collection de meubles, de tableaux et de porcelaines du XVIIIe au XXe siècle, témoignant des conditions de vie des grands colons de l’île.

En ces jours de foire du livre, le musée ne semble pas très visité et nous avons un peu l’impression de jouer au Prince charmant réveillant, sinon la belle princesse endormie, du moins les personnels et les gardiens du château. A la caisse, une simple table de bois blanc, l’employée recherche désespérément des billets à nous vendre. Elle n’en a plus ! La dernière souche de billets a été épuisée, rien sur la table, rien non plus dans le tiroir de la table, pas plus que dans les pages du Nouveau Testament qu’elle sort du tiroir et feuillette consciencieusement ! Les tickets d’entrée ne se sont pas multipliés entre les pages du Livre Saint comme les petits pains l’avaient été dans d'autres circonstances !

Après bien des recherches, une employée finit par découvrir d’anciens tickets qu’elle nous remet visiblement soulagée. C’est que le prix d’entrée y est noté et témoigne ainsi de la véracité de la somme demandée aux visiteurs !

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