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Notes d'Itinérances
16 janvier 2014

Angkor (3/27). L’exposition coloniale de 1931.

La reproduction du massif central d'Angkor Vat - La contre exposition du PCF - La fin peu glorieuse des merveilles reproduites  

 

 

« Qui n'a pas connu Angkor-Vat ne sait pas ce que c'est que l'admiration ». [1].

 

Est-ce pour faire partager cette admiration à la foule des Parisiens et des Français, que les responsables de l'exposition coloniale de 1931 ont fait reproduire, à taille réelle, le massif central du temple d'Angkor Vat, après le pèlerinage des gloires littéraires françaises à Angkor, Pierre Loti en 1901, Paul Claudel, André Malraux, Roland Dorgelès et Pierre Benoît dans les années 20 ?

 

« Reconstituée dans ces moindres détails, cette merveille de l'art khmer, avec ses cinq coupoles, son escalier vertigineux, ses vingt-trois salles, forme un tableau de l'activité et des merveilles de l'Extrême Orient » [2].

 

Le prasat [3] central avec les quatre prasats de la troisième enceinte, et une petite partie de la galerie de la première enceinte, en façade, avec sa colonnade semi-ouverte, et un fragment de la grande chaussée dallée, furent reconstitués grandeur nature, en bois recouvert de staff afin de pouvoir reproduire la richesse de l'ornementation : 5 000 m2 au sol, 57 m de haut pour un volume qui dépasse celui du Sacré-Cœur !

 

« Il ne manque que la forêt tropicale, dense et verte sous son ciel d'Asie, d'où coulent tour à tour les pluies diluviennes qui écrasent sans rafraîchir et les mortelles insolations qui assomment et qui tuent » [4].

 

Le massif central abritait, en dessous, quatre salles d'exposition, sur deux étages. L’une toute à la gloire de la colonisation avec ses réalisations, l’autre avec un ensemble de sculptures khmères originales ou de moulages.

 

« Sous le feu des projecteurs, le temple embrasé semble taillé dans un bloc d'or resplendissant ». Une illumination électrique permettait en effet de magnifier le temple, tout en en changeant les couleurs !

 

Les photographies de l'époque montrent le grand temple dans toute sa majesté, reconstitué comme à son origine, les tours pointues et les lignes d'épis bien en place sur les galeries, et le monument, bien dégagé, en montre toute l'imposante composition. Ce fut le "clou" de l'exposition coloniale laquelle attira environ huit millions de visiteurs, faisant oublier à tous les remarques aigres de Paul Claudel lors de son excursion à Angkor : « Aurais-je vu le temple du Diable que la terre n'a pu supporter ? » [5].

 

Une contre-exposition fut organisée sous l'égide du Parti Communiste Français et de la Confédération Générale du Travail Unitaire pour montrer l‘autre face de la colonisation française, sous le titre « La vérité sur les colonies ». Léon Blum rappela dans un article du « Populaire » : « Ici, nous reconstituons le merveilleux escalier d’Angkor, et nous faisons tourner les danseuses sacrées, mais, en Indochine, on fusille, on déporte, on emprisonne… » [6].

 

De cette magnifique reconstitution, plus propre à exalter la beauté et le rêve que le médiocre château de la Belle au bois dormant d'Eurodisney, il ne reste rien. Tout fut détruit après l'exposition alors que d'autres bâtiments, plus petits, furent démontés et reconstruits en lisière du Bois de Vincennes et servent aujourd'hui encore de bureaux à certains services du Ministère de l'Agriculture. Dans le bois, sont également rassemblés les divers monuments aux morts de la grande guerre à la gloire des troupes coloniales, monuments rapatriés sur le sol national après la décolonisation. En se promenant dans le parc, on côtoie ainsi un pavillon siamois, un autre laotien, après être passé devant les monuments des troupes malgaches, des tirailleurs sénégalais ou annamites. Il y avait également une magnifique pagode chinoise, malheureusement dévastée par le feu il y a une dizaine d'années...

 


[1] Pierre Benoît. « Le roi lépreux ». 1926.

[2] Maurice Tranchant, « Guide Officiel de l'Exposition Coloniale Internationale ». 1931.

[3] Prasat : Sanctuaire en forme de tour.

[4] Claude Farrère. « L’Illustration ». 1931.

[5] Paul Claudel. « Journal ». 1921.

[6] Cité par Catherine Hodair. Télérama. « Les sourires d’Angkor ». Hors-série. 1997.

 

Liste des articles sur Angkor.

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