Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
21 janvier 2014

Angkor (14/27). Baphuon, la découverte du grand bouddha couché.

Réutilisation des pierres du temple pour édifier un grand bouddha - Un temple initialement dédié à Shiva

 

 

La reconstitution était toutefois rendue encore un peu plus complexe pour le Baphuon dans la mesure où le site d’Angkor n’a jamais été totalement abandonné. Là où se maintenaient des poches d'occupation, le culte bouddhiste, désormais du theravada [1], a pu donner lieu à des remaniements architecturaux parfois spectaculaires. C'est notamment le cas du Baphuon dont tout le deuxième étage de la face Ouest a été transformé en un immense Bouddha couché, long de plus de soixante mètres, peut-être au XVe ou au XVIe siècle, en réemployant une partie des pierres de l’édifice d’origine. Ce n’était plus 1 mais 2 puzzles qu’il fallait résoudre !

 

Le choix a été fait de conserver le grand bouddha couché, avec ses pierres de réemploi, après démontage et remontage, et de reconstruire la partie Ouest du temple en utilisant de nouvelles pierres pour assurer la stabilité de l’ensemble. De fait, la reconstruction s’est opérée par classement des pierres par familles, en fonction de leurs caractéristiques, forme, moulure, décor, et en s’aidant des photos anciennes du temple et des journaux de fouille.

 

Début 2011, le travail touche à sa fin. Le dernier étage du temple n’est pas encore tout à fait terminé, mais le Baphuon a retrouvé son allure générale. Le chantier où travaillent 300 personnes au total n’est malheureusement pas encore ouvert au public, sauf à certains créneaux horaires. Nous ne pourrons donc pas le visiter, mais seulement en faire le tour.

 

Le Baphuon était dédié à Shiva, l’un des dieux de la Trinité hindoue avec Vishnu et Brahma. Si l’action centripète est représentée par Vishnu, le préservateur de l’Univers, Shiva représente la tendance centrifuge, le principe final de l’univers car tout finit par une désintégration. L’équilibre des forces centripètes et centrifuges, de la cohésion et de la dispersion, de la lumière et de l’obscurité, donne naissance à la tendance à l’orbitassion représentée par Brahmâ.

 

Si Shiva est le Dieu de la mort, il est aussi source de vie. Tout ce qui existe doit cesser d’exister, doit se dissoudre dans l’immensité. L’existence est un stade dans un univers qui s’étend, c'est-à-dire qui se désintègre. Mais c’est de la désintégration que l’existence renaît à nouveau. En conséquence, le symbole le plus général de Shiva est le linga, ou phallus, et son pouvoir est représenté par le linga inséré dans la yoni, l’emblème féminin. Toutefois, ce n’est pas le phallus qui est vénéré, mais celui dont le phallus est le signe, qui est à l’origine de la vie. C’est pourquoi le phallus est dressé dans la yoni, car il féconde cette matrice. Le plaisir est une expérience du divin et tout l’univers jaillit de la jouissance… ce qui est quand même nettement plus agréable que notre conception chrétienne des rapports sexuels marquée par le « péché » originel !

 

Shiva est blanc malgré que, représentant la force centripète, la dissolution, il devrait être noir. Mais les deux tendances centripètes et centrifuges sont indissociables, c’est pourquoi Vishnu qui est fait de lumière est noir au dehors, et Shiva qui est fait d’obscurité est blanc. Il a quatre bras qui portent ses attributs : un trident symbolisant ses fonctions de créateur, destructeur et préservateur, l’épieu avec lequel à la fin des temps il tue l’univers, le petit tambour en forme de sablier qui évoque Ie son primordial, la flamme de la destruction. Shiva est moins un destructeur qu'un transformateur, il invite à se transformer, à progresser, c'est pourquoi il est fondamentalement bienveillant, même si les transformations auxquelles il nous invite sont douloureuses. Bel exemple de démarche dialectique !

 

La monture de Shiva est un taureau, blanc comme neige, au corps massif et aux yeux doux. Il se nomme Nandi (joyeux) et personnifie la justice et la droiture. Parvati est l’épouse de Shiva. Fille de la montagne polaire, elle est une déesse aimable de laquelle est issue l’énergie terrestre.

 


[1] Theravada ou « petit véhicule » : le terme désignait à l’origine (Ier-IIe siècles) une perspective individuelle (par opposition à universelle) de la libération. Par la suite, il a été appliqué par les pratiquants du bouddhisme mahayana, ou « grand véhicule », à tous les courants qui semblaient privilégier comme but de la pratique la libération individuelle plutôt que la libération universelle de tous les êtres.

 

Liste des articles sur Angkor.

Télécharger le document intégral

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 554