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Notes d'Itinérances
25 janvier 2014

Angkor (22/27). Temples de Ta Prohm, du Bayon et « Apocalypse Now ».

Guerre du Viêt-Nam et mercenaires

 

 

L'emploi de « mercenaires » à des tâches peu recommandables est une pratique courante des guerres coloniales. Pendant la première guerre d'Indochine, l'armée française créa des commandos composés de minorités Hmong, Mnongs, Méos, Lats ou de Khmers et d'anciens Viêtminhs. Ces commandos étaient chargés de semer la terreur et la mort dans les zones occupées par l'ennemi, tel le commando  du sous-adjudant Vandenberghe [1]. Les supérieurs hiérarchiques n'étaient pas très regardants sur les méthodes d'action de ces commandos qui mêlaient étroitement brigandage et sadisme.

 

« La conquête de la terre, qui signifie principalement la prendre à des hommes d'une autre couleur que nous, ou dont le nez est un peu plus plat, n'est pas une jolie chose quand on la regarde de trop près » [2]

 

Dans « Apocalypse Now » la remontée lente et dangereuse du fleuve pour retrouver le colonel Kurtz donne lieu à une critique virulente de la guerre du Viêt-Nam au travers la mise en scène de situations généralement absurdes et souvent sanguinaires : l'attaque d'un petit village par une unité de cavalerie héliportée pour permettre à un champion de surf de faire une démonstration sur une vague du littoral, le déroulement d'un spectacle de girls pour les soldats... L’épopée tragique se termine avec l'arrivée du commando dans le repère du colonel : un temple khmer surmonté de tours à visages, à l'image du Bayon.

 

Kurtz pousse jusqu'au bout la logique de la colonisation, ou de la guerre, sans plus s'embarrasser de prétextes tels ceux de la diffusion du « progrès », de la « défense de la démocratie », ou de la « lutte pour la liberté », lesquels ne font que recouvrir les rapines, la recherche de richesses ou la volonté de pouvoir.

 

« On les mitraillait et après on leur passait les pansements. Mensonges » [3].

 

Kurtz fait la guerre « efficacement », utilisant les actions les plus sauvages et les plus propres à faire régner la terreur. Ce n'est pas cette efficacité sanglante qui gêne les Généraux ou les Directeurs de la Compagnie, mais bien le fait que leur agent ait échappé à leur autorité. « Il avait dit merde à tout l'appareil » et cela n'était pas supportable ! D'où l'envoi de ces émissaires pour éliminer le colonel Kurtz lequel dévoile à Willard les raisons de sa présence :

 

« Vous êtes un commis que des épiciers envoient encaisser des impayés ».

 

Plus fondamentalement, par son action Kurtz révèle aussi la nature sauvage de l'homme, son passé d'instincts oubliés et brutaux. La guerre, ou la colonisation, dévoilent que « l'homme est un animal méchant » [4].

 

Dans un monde où les espaces vierges et inconnus sont devenus rares, transposer l'action dans un temple khmer renvoie à notre imaginaire, celui d'un monde irréel, fantasmatique et inquiétant par des formes et des objets dont on ne comprend pas la signification : tours à visages, corolles des sept têtes dressées du serpent Nâga, statues de lions à la gueule ouverte et à la crinière foisonnante, le tout enfoui dans la jungle, un univers végétal grouillant, prolifique, sombre comme le temple abandonné de Ta Prohm.

 


[1] Erwan Bergot. « Commando Vandenberghe ». 1985.

[2] Joseph Conrad. « Au coeur des ténèbres ». 1895.

[3] Francis Ford Copolla. « Apocalypse Now ». 1979.

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