Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
3 mars 2014

Laos de Vientiane à Luang-Prabang (15/17). Le Tak Bat.

La journée d'un bonze - L'aumône - Une attraction touristique

 

 

Chaque matin, avant que ne se lève le jour, mais après avoir rendu hommage aux trois joyaux, Bouddha, la Loi et la Communauté, les bonzes quittent leurs monastères pour recevoir l’offrande des fidèles. Ce geste doit leur apprendre l’humilité car ils ne vivent que d’aumônes. Le moine n’a en effet droit à aucune possession, sauf à neuf objets rituels : les trois pièces de tissu orange, mais de teintes différentes, pour ses vêtements, un rasoir, des aiguilles, un filtre, un éventail, une ceinture et un bol (on peut se demander toutefois, si le téléphone portable ne devient pas le dixième objet autorisé tant il est fréquent de croiser dans la rue des moines en train de téléphoner !).

 

Les fidèles ont fait cuire préalablement du riz gluant, lequel exige une longue préparation, car il doit être débarrassé de toutes ses impuretés avant de reposer six heures dans l’eau pour être cuisiné. Les habitants qui souhaitent apporter leur offrande sortent alors sur leur pas de porte pour déposer une poignée de nourriture dans le vase à aumône présenté par chaque moine.

 

« A elles deux, elles nourrissaient six bonzes et chaque matin, elles descendaient à tour de rôle dans la cour et, d’une large cuiller d’argent, elles remplissaient les vases à aumône, salué en joignant les mains les religieux impassibles qui ne les regardaient pas et ne leur disaient rien, conformément aux rites » [1].

 

Faire l’aumône est source d’acquisition de mérites dans l’au-delà pour les bouddhistes. Dans le cas de dons ostensoirs, comme dans toute autre région du monde, elle devient aussi une source de prestige social, voire une stratégie pour acquérir un ascendant auprès des populations.

 

A Luang Prabang, la quête matinale des bonzes (enlao, Tak Bat) est organisée dans la rue principale de la ville, la rue Sisavangvong. Des tapis ou des nattes sont disposées en un long ruban sur le trottoir sur lesquelles les femmes s’agenouillent, alors que les hommes peuvent rester debout à condition d’être déchaussés. Devant chacun d’eux est posé un petit panier tressé dans lequel le riz est conservé. Les moines, qui sont plus d’un millier à Luang Prabang, sillonnent la ville en un long cortège coloré, le vénérable de chaque temple en tête des moines de son monastère. Les bonzes longent lentement les nattes et entrouvrent le couvercle du bol pour permettre aux fidèles de déposer leur offrande.

 

Si cette quête permet d’assurer la nourriture des bonzes, elle est aussi un moyen de redistribuer de la nourriture aux plus pauvres. En effet, les dons collectés sont supérieurs aux besoins des moines et le monastère assure la redistribution du surplus auprès des populations nécessiteuses.

 

A l’issue de leur quête, les moines regagnent en cortège leur monastère où une collation leur est servie. Ils consacrent la matinée au suivi de l’enseignement ou à des travaux d’utilité collective notamment d’entretien des temples. Il n’est pas rare de les voir manier la truelle, le pinceau ou la lance d’arrosage ! Avant midi ils bénéficient d’un vrai repas suivi d’une courte sieste. Toute nourriture est ensuite interdite jusqu’au lendemain. L’après-midi est consacrée à la lecture des textes. En fin d’après-midi, c’est un moment de détente avec bain ou douche, mais aussi de jeux collectifs pour les plus jeunes ou des discussions dans la cour du monastère. La soirée est vouée à la prière et à l’enseignement jusqu’à 23 heures.

 

Compte-tenu de son organisation, de son originalité et de sa beauté, le Tak Bat est devenu petit à petit une attraction touristique majeure à Luang Prabang. Ce qui n’est évidemment pas sans poser de problème dans la mesure où, en toute bonne foi, les étrangers ne connaissent généralement pas les codes sociaux qui organisent la cérémonie. Ils peuvent, en conséquence, en perturber le déroulement ou froisser la susceptibilité des Laotiens qui, toutefois, ne le laisseront certainement pas paraître.

 


[1] Georges Groslier. « Le retour à l’argile ». 1928.

 

Liste des articles sur le Laos

Télécharger le document intégral

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 365