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Notes d'Itinérances
23 mars 2018

Trevi Quirinal, un quartier de perles baroques (5/17). Le Palais Barberini et la Galerie d’Art Ancien.

Deux escaliers, deux architectes, deux conceptions différentes – Un musée de peinture de premier ordre

 

 

A chaque extrémité de la façade, un escalier : celui de gauche est du Bernin, celui de droite de Borromini. L’escalier du Bernin (1629 / 1633), qui permet désormais d’accéder à la Galerie d’Art Ancien, est un escalier carré entourant une cage ouverte à colonnes géminées. Chaque angle de l’escalier est constitué d’un palier sur les murs duquel sont accentuées les lignes de fuite laissant croire au visiteur qui monte, comme à celui qui descend, qu’il existe un renfoncement dans lequel est logée une statue. A droite, l’escalier de Borromini (1626 / 1632) est hélicoïdal, ovale, rythmé par des colonnes géminées superposées (photo) [1]. Pour accentuer l’effet de profondeur et d’ascension, les marches sont très basses et la pente est donc très faible. La forme ovale aurait imposé des marches plus étroites et d’autres plus larges, sauf à modifier légèrement la hauteur des marches. Cette différence de hauteur, naturellement faible, est néanmoins sensible.

 

« On admire beaucoup le grand escalier à limace de ce palais. Celui-ci est aussi beau qu’il se puisse dans son espèce. Lorsqu’il fut construit, on en faisait souvent de ce dessin, qui était à la mode alors, et qui, avec plus de raison, ne nous plaît pas aujourd’hui » [2].

 

La plupart des œuvres présentées dans la galerie couvrent la période qui va du XIVe au XVIIe siècles. Vous y reconnaîtrez notamment le portrait d’Henri VIII par Hans Holbein le Jeune (1540) ou « La Fornarina » de Raphaël (1518). Les œuvres semblent être classées chronologiquement, en trois phases, la seconde Renaissance / la révolution caravagesque / la réaction classique, mélangeant avec intérêt des maîtres romains avec quelques maîtres flamands, vénitiens ou bolognais.

 

« Le Christ et la femme adultère » du Tintoret (1546). Au premier plan, les personnages, le Christ est tourné, bienveillant, vers la femme adultère « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! » ; il est entouré des pharisiens. Au second plan, une architecture idéale, une loggia composée de colonnes organisant une vaste perspective et ouvrant, au fond, sur un paysage. Les couleurs sont froides, du noir, du vert, du gris, des rouges décolorés, avec une clarté un peu blafarde et de grands contrastes de lumière ; la touche picturale n’est pas « léchée » mais rapide, comme tremblée. Il n’y a là aucune douceur, joliesse ou préciosité et pourtant il se passe quelque chose entre les deux personnages principaux !

 

On peut admirer aussi deux petits mais magnifiques Greco, « L'Adoration des Bergers » et le « Baptême du Christ » (1596 / 1600), deux des éléments d’un triptyque destiné à la décoration d’un autel du Collège de Doña Maria de Aragona à Madrid. Le troisième élément, représentant l'Annonciation, est conservé au Musée de Bilbao. On y retrouve les corps allongés et torturés du Greco, dans des teintes assez sombres, mais avec des éclairages des visages et des corps, lumineux et froids. La touche apparait là aussi comme tremblée, imprécise, accentuant les contrastes de couleurs et de formes, la rendant finalement très contemporaine. Dieu le père est un grand vieillard, fatigué. La violence des formes, des contrastes de couleurs, s’oppose à la douceur des visages, éclipsant tous les autres tableaux de la salle qui deviennent conventionnels, académiques, laborieux.

 

« Ritratto di Beatrice Cenci » de Guido Reni (1600). Rappelons l’histoire qui fit grand bruit à Rome. Francesco Cenci, un aristocrate violent, débauché et immoral, aurait abusé de son épouse, de son fils et de sa fille Beatrice. Faute d’être entendus des autorités sur ses agissements, les membres de la famille estimèrent qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de l’assassiner. Empoisonné, des tueurs embauchés lui auraient enfoncé un clou dans l’œil pour l’achever. Le pape Clément VIII Aldobrandini ayant refusé la grâce, les conjurés furent exécutés sur le pont Saint-Ange le 11 septembre 1599. Guido Reni a représenté Beatrice Cenci, de dos, drapée et coiffée de linges blancs, tournant la tête à gauche, le visage triste. Elle apparait belle et innocente, un ange terrestre tombé dans un monde de brutes. « Béatrice tourne la tête et nous salue de ce visage qui n’a que faire de sa beauté et semble dire : je vous l’abandonne puisque je vais mourir » [3]. On dit que, chaque année, la veille de la date anniversaire de sa mort, elle traverse le pont Sant’Angelo en portant sa tête !

 


[1] L’escalier est une réplique fidèle de l’escalier du Quirinal d’Ottaviano Mascarino (1536 / 1606), élève de Vignola.

[2] Président de Brosses. Lettres d’Italie. 1740.

[3] Marco Lodoli. « Iles – Guide vagabond de Rome ». 2005.

 

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