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Notes d'Itinérances
9 mai 2014

Cuba, oriente (5/34). Le temps qui passe…

Un sous-emploi chronique - Une rémunération faible - Et des petits boulots complémentaires

 

 

Les embauches dans la fonction publique permettent de fournir un emploi à chacun, mais pour quel travail ? Quel intérêt peut-on prendre à des activités sans responsabilité, sans même avoir de tâches précises à accomplir dans sa journée ? A défaut, nombreux sont ceux qui essayent de tirer trois sous - enfin quelques CUC - des touristes qui passent à leur portée. Les gardiens de musée se font un plaisir de vous présenter les objets exposés, les passants se proposent de garder votre véhicule, de vous indiquer un restaurant où vous pourrez déguster une langouste, ou un hôtel. Cela reste toujours dans des limites très acceptables.

 

Les autorités cubaines semblent prendre conscience de ce sous-emploi chronique, ainsi que des problèmes économiques qu’entraîne cette faible productivité du travail.

 

« Nous savons que des centaines de milliers de travailleurs sont de trop dans les secteurs budgétisés et dans les entreprises, au point que certains observateurs parlent de plus d’un million de personnes excédentaires (…). Bref, continuer de dépenser au-delà de nos revenus revient tout bonnement à manger le blé en herbe et à mettre en danger la survie même de la Révolution »[1].

 

Et le problème n’est pas qu’économique, il est aussi social et moral. Quelle valeur peut-on donner à un travail dans lequel on a peut à faire, on s‘ennuie, on a peu de marges d’initiative et de responsabilité ? A un travail qui consacre souvent une sous qualification en regard des diplômes obtenus dans un système éducatif qui marche plutôt bien ? Quel attachement peut-on avoir pour un Etat, un parti, des dirigeants politiques qui ne sont pas capables de fournir des emplois qui soient en rapport avec les qualifications obtenues ? Aussi ne faut-il pas s’étonner si le temps n’est plus celui des Barbudos, des espoirs de liberté et de réforme, du peuple cubain vainqueur de Batista, celui qui recevait Sartre et Beauvoir et leur donnait des leçons de Révolution.

 

Ce n’est plus le temps de la confiance heureuse, de la certitude des lendemains qui chantent. C’est plutôt le temps de la désillusion, du rappel de la réalité économique, des difficultés consécutives au blocus américain mais aussi aux erreurs de ses dirigeants. Après le temps de la vache enragée de la période spéciale, les Cubains apparaissent fatigués et il n’est pas sûr qu’ils répondront à l’appel de Raùl à trouver des emplois socialement utiles.

 

 « La Révolution ne laissera personne à l’abandon, elle se battra pour créer les conditions requises pour que tous les Cubains aient un emploi digne, mais il n’est pas question que l’Etat se charge de placer chacun après plusieurs offres d’emploi. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui doivent faire preuve de leur intérêt à trouver un travail socialement utile »[2].

 

L’impression, c’est plutôt que chacun essaye d’améliorer son quotidien pour lui-même et sa famille. Les plus malins ont investi dans le tourisme en créant des chambres ou des tables d’hôtes, en essayant de se positionner dans les métiers en contacts avec les étrangers. Peut-on dire pour autant qu’il s’agit de « travail socialement utile » ? La formule fait un peu penser à celle de Guizot :

 

« A présent, usez de ces droits ; fondez votre gouvernement, affermissez vos institutions, éclairez-vous, enrichissez-vous, améliorez la condition morale et matérielle de notre France : voilà les vraies innovations» [3].

 


[1] Raùl Castro Ruz. « Allocution de clôture du IXe Congrès de l’Union des Jeunes Communistes ». 4 avril 2010.

[2] Idem

[3] François Guizot. Déclamation devant la Chambre des députés. 1er mars 1843.

 

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