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Notes d'Itinérances
28 août 2014

Parione, du Campo dei Fiori à la Place navone (9/13). Au secours, ils veulent faire taire Pasquino !

Pasquino enfin muselé ?

 

Rome Parione Pasquino 5

Lors d’un de mes passage à Rome qu’elle ne fut pas ma stupéfaction, et ma colère, en découvrant un Pasquino nettoyé, astiqué, blanchit, bref « désinfecté » !

Il y avait juste une petite affichette bien modeste au plus bas de son socle :

IL VERSO GIUSTO

Mentre Renzi pontifica

E tuto malpromette

Il papa lo morfica

Dicendogli permette ?

Se(s) governa la finanza

Muore pure la speranza

Ascoltatelo

LE VERSET JUSTE

Pendant que Renzi pontifie

avec des promesses inconsidérées

Le pape le mortifie

Lui disant : Permettez ?

Si gouverne la finance

meurt l’espérance

Écoutez-le[1]

A dire vrai, la version du « Guide du Routard 2015 » m’avait déjà mis la puce à l’oreille. Il annonçait, dans un encart :

« Encore aujourd’hui, on peut voir à côté de la statue (car elle a entièrement été rénovée et qu’il est désormais interdit d’y coller des papiers) un panneau où l’on peut toujours afficher ses revendications ».

Quoi ? Quel est l’esprit paperassier, bureaucratique ou germanique qui peut penser que Pasquino puisse s’exprimer par l’intermédiaire d’un panneau d’expression libre ? Est-ce un trop zélé restaurateur qui fait passer la préservation de n’importe quel caillou avant le symbole que représente cette statue ? Mais que vaut la statue de Pasquino en elle-même ? Rien. C’est un morceau informe, mutilé, sans intérêt artistique et dont la disparition n’aura aucune conséquence sur la production artistique. Son intérêt est historique, politique et culturel par l’expression du peuple romain qu’il assure depuis cinq siècles, au mépris du danger et des menaces de condamnation. L’important n’est pas la statue, mais le support qu’elle permet aux revendications du peuple romain.

Nos démocraties européennes sont-elles tombées si bas que l’on préfère désormais un bloc de pierre informe à la libre expression populaire ?

Pasquino était la dernière des statues parlantes de Rome qui présentait encore des libelles. Marforio est prisonnier d’un musée, l’abate Luigi d’échafaudages, Madama Lucrezia est souvent protégée par un car de Carabinieri, le mur du Babuino a également été nettoyé, astiqué, blanchit et désinfecté, et Facchino est bien oublié par le flux de touristes qui passe pourtant pas très loin de lui.

Voilà, j’étais venu avec mes deux petites filles leur faire visiter Rome et, à l’occasion, leur montrer une tradition séculaire d’expression populaire même si, bien sûr, celle-ci peut paraître décalée et obsolète à l’ère d’internet. Je leur montrais d’abord l’abate Luigi, Madama Lucrezia, le Facchino, réservant Pasquino en dernier comme une richesse culturelle toujours vivante. Las ! Déception ! Pasquino était muselé et balbutiait avec peine une dernière satyre qui, heureusement, ne manquait pas de sel !

Il subsiste néanmoins une lueur d’espoir montrant que le peuple romain saura peut-être surmonter les oukases d’une bureaucratie tatillonne sans vision historique et culturelle : le panneau d’expression libre a déjà disparu ! Il n’en reste que le socle et les quatre vis qui le scellait au sol. Enfin réapparaissent, bien que timidement, des papiers collés sur le socle de la statue et les bornes en pierre qui l’entourent.

Gloire aux Romains qui osent encore défier, comme pendant cinq siècles, les interdits absurdes et liberticides !


[1] Traduction personnelle.

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Parione

Télécharger le document intégral.

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