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Notes d'Itinérances
22 janvier 2023

Trastevere et Lungaretta (2/19). Le Tibre, un fleuve méditerranéen.

Des crues catastrophiques - Endiguées seulement à la fin du XIXe

 

 

En règle générale, le Tibre coule tranquillement dans Rome et paraît, aux yeux des Parisiens, comme une rivière sur laquelle la navigation est restreinte (photo). 

 

« Dans cet endroit le Tibre a la largeur de la moitié de la Seine à Paris. Ses eaux limoneuses tourbillonnent en raison de son fond de roche » [1].

 

Mais ne vous y fiez pas, le ruisselet peut, à l’image de toutes les rivières méditerranéennes, devenir enragé. Entre le jeudi 11 et le vendredi 12 décembre 2008, il est tombé de fortes pluies sur Rome et sa région (50 mm), soit l’équivalent des pluies mensuelles. Les autorités romaines ont décrété l’état d’urgence et, en début d’après-midi, demandé aux Romains de ne pas circuler en ville. A 16h00, nous voyons la FAO se vider de tout son personnel, chacun retournant au plus vite dans ses pénates. Le lendemain, le Tibre déborde largement en amont et en aval de la vieille ville car il y est alors encadré, depuis la fin du XIXe siècle, par de hauts quais maçonnés. Plusieurs décès sont consécutifs à cette crue dont une personne noyée dans son véhicule. Pour voir le fleuve en furie, nous choisissons de passer par le ponte Fabricio de l’île Tiberine. Le niveau du fleuve est si haut que l’eau s’écoule au travers du dégueuloir, l’arc de décharge de la pile centrale, alors que le seuil de celui-ci est situé plusieurs mètres au-dessus du niveau habituel du fleuve.

 

Suite aux pluies, les quelques rares pontons placés au long du fleuve n’ont pu résister à la furie du Tibre. L’un d’eux, après avoir heurté le pont Saint-Ange, est venu frapper un autre ponton et la vedette promenade qui y était amarrée, le tout allant se coincer sous une des arches du pont Cestio, freinant l’écoulement de l’eau. Le samedi 13 décembre, les secours sont à pied d'œuvre pour dégager les bateaux et pontons encastrés sous les ponts, mais aussi pour rechercher un jeune Irlandais qui est tombé dans le fleuve. Le jeune homme, venu à Rome pour un mariage, était saoul et aurait basculé dans le fleuve alors qu'il essayait de faire une photo. Les quais du Tibre, d’habitude déserts car les Romains semblent généralement peu s’intéresser à leur fleuve, sont noirs de monde. Romains et touristes s’y pressent pour contempler les flots boueux tourbillonnants qui charrient des troncs d’arbre.

 

Mais les crues du Tibre ne datent pas de l’urbanisation galopante du XXe siècle ! En – 375, les eaux du Tibre envahissent le cirque Maxime et interrompent les jeux qui s’y déroulent. En – 192, le Tibre emporte deux ponts et renverse un grand nombre d'édifices aux environs de la Porta Flumentana. En -189, douze fois de suite, il envahit les parties basses de la ville au Campo Marzio. En - 54, c’est tout le quartier de la via Appia qui est touché [2]. Le pont Aemilius, premier pont en pierre de Rome, est le témoin de ces furies du fleuve. Il subit d'importants dommages lors des crues de 1230 et 1422 et le pape Jules III del Monte (1550 / 1555) en fait reconstruire les arches sur des plans de Michel-Ange. Deux arches sont à nouveau emportées par les eaux en 1557 et sont reconstruites sous Grégoire XIII Boncompagni (1572 / 1585). La grande crue de 1598 détruit trois des six arches de l'ouvrage. Le pont n'est pas réparé et deux des arches restantes sont détruites lors de la construction du pont Palatino. Il est désormais connu sous le nom de Ponte Rotto (le « pont brisé »). 

 

La plus grande crue contemporaine date de décembre 1870 où le Tibre atteint la cote de 17,22 mètres, le fleuve inondant une grande partie des quartiers de la Renaissance, c’est à dire le Champ de Mars (Campo Marzio) de l’antiquité. On circula en barque sur le Corso et le quartier des Prati au pied du  Vatican devint une immense plaine liquide.

 

« Son cours n’étant pas long depuis les montagnes est conséquemment fort rapide ; par la même raison, dans le temps des pluies abondantes ou des fontes de neiges, il déborde tout d’un coup, et fait le mauvais garçon ; nous l’avons déjà vu dans toute sa pompe » [3].

 


[1] Jules Cloquet. « Voyage en Italie ». 1837.

[2] Site de l’Université de Caen-Normandie. « Le plan de Rome - Simulation de crues du Tibre à Rome du IVe siècle au Ier siècle avant J.C ». 2020.

[3] Président de Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

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