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Notes d'Itinérances
13 février 2021

Regola - Le quartier du palais Farnese (9/13). Décors macabres à Santa Maria dell Orazione e Morte.

Une confrérie chargée de donner une sépulture aux cadavres abandonnés

 

 

Coincée entre le palais Falconieri et l’arc du palais Farnèse qui devait permettre aux Farnèse de rejoindre leur jardin de l’autre côté de la rue, une petite église à la façade torturée, c’est Santa Maria dell’Orazione e Morte (Sainte-Marie-de-la-Prière-et-de-la-Mort).

 

« Les palais Farnèse et Falconieri continuent la grande décoration du Tibre. L’église de la Mort les sépare et semble une tombe circulaire entre deux musées. L’invocation sous laquelle cette église est placée est bien justifiée par une chapelle dont la décoration intérieure de la plus riche et de la plus élégante architecture est uniquement composée d’ossements humains qui en figurent les ornements les têtes de morts en sont les pilastres et les squelettes les statues » [1].

 

Une première église en 1575 a été entièrement reconstruite par Ferdinando Fuga en 1733. La façade est à deux ordres, composés chacun d’une ouverture centrale, porte au rez-de-chaussée, fenêtre au premier, encadrées de chaque côté par une composition de deux demi-colonnes entre des pilastres (photo). Vous remarquerez alors peut-être une plaque de marbre à la base de chacun des pilastres extérieurs, à hauteur d’homme. Sur celui de gauche est dessiné un squelette ailé ( ! ) tenant un phylactère sur lequel est inscrit « HODIE MIHI CRAS TIBI » (« Aujourd’hui, c’est moi ; demain ce sera toi »). Sur celui de droite, la mort ailée tient une clepsydre au-dessus d’un homme endormi, signifiant que le temps lui est compté. Puis, au-dessus de chacun des jambages de la porte d’entrée, une tête de mort. C’est que l’église a été construite par une confrérie de volontaires qui avaient la responsabilité d’enterrer les cadavres abandonnés dans Rome ou alentour.

 

« Pour ceux restés sans sépulture, et peut-être la proie d’animaux, poussés par le zèle de la charité et de la miséricorde, nous instituons à Rome une Compagnie sous le titre de la mort qui, fait œuvre de miséricorde et de piété, si reconnaissant à la Divine Majesté, à enterrer les pauvres morts » [2]

 

La confrérie a ainsi donné une sépulture à plus de huit mille personnes de 1552 à 1896, soit une vingtaine par mois en moyenne, dans leur cimetière situé sur les rives du Tibre à côté de l'église, mais aussi dans une crypte qui est décorée, comme à l’église dei Capucini de la via Vittorio Veneto, par des ossements humains. La plus grande partie du cimetière a disparu à la fin du XIXe quand ont été construites les digues qui permettent d’éviter les terribles crues du Tibre.

 

Après l’église une arche, construite en 1603, permettait de relier la terrasse du palais Farnèse à un bâtiment édifié de l’autre côté de la rue, les quattro Camerrini. Ce bâtiment accueillait une partie de la collection d’antiques et avait été décoré à fresques notamment par Annibal Carrache, mais il fut divisé au milieu du XVIIe siècle. Le projet initial de l’arche était beaucoup plus ambitieux puisqu’il s’agissait d’enjamber le Tibre pour relier le palais Farnèse au jardin de la villa Farnesina sur la rive droite ! Michel-Ange en avait conçu le projet avant de mourir, et Vignola et Giacomo della Porta ne purent mener le projet à bien car les Farnèse n’avaient alors plus les mêmes facilités !

 

La fontaine du Masque (fontana del Mascherone), déplacée ici en 1903 lors de la construction des quais du Tibre, est composée d'un bassin antique, rectangulaire et en porphyre, surmonté d’un petit mur encadré de deux grandes volutes sur lequel est placé un masque en marbre blanc également de l'époque romaine. De sa bouche jaillit l'eau qui tombe dans un bassin en forme de coquillage. L’installation d’une fontaine dans cette zone, comme des grandes vasques situées devant le palais Farnèse, n’avait été rendu possible qu’avec la rénovation, entre 1608 et 1610, à la demande de Paul V Borghèse (1605 / 1621), de l’aqueduc de Trajan amenant l’eau du lac de Bracciano. 

 

En 1720, pour fêter sa nomination comme Grand maître de l'Ordre des Hospitaliers-de-Saint-Jean-de-Jérusalem, Marc’Antonio Zondadari aurait fait couler, dit-on, du vin de cette fontaine pendant trois jours ! 

 


[1] Norvins, Charles Nodier, Alexandre Dumas. « Italie pittoresque, tableau historique et descriptif de l'Italie, du Piémont, de la Sardaigne, de la Sicile, de Malte et de la Corse ». 1836

[2] Statuts de la Vénérable Confrérie de la Prière et de la Mort, approuvés et confirmés en l'année 1590.

 

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