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Notes d'Itinérances
14 juillet 2021

Sant'Eustachio - Entre Navone et Panthéon (12/14). Faux-amis et triomphes artistiques.

Comment de Strasbourg on passe à l'Argentine ! - Un théâtre aux nombreuses heures de gloire

 

 

La via del Sudario permet de rejoindre la piazza di Tore Argentina située administrativement dans le rione (arrondissement) voisin de Pigna. Le nom de la rue ne renvoie pas à un quelconque bain de vapeur mais au Saint-Suaire [1] ! C’est, qu’au début de la rue, est située l’église du Santissimo Sudario [2], laquelle possède une copie du Saint-Suaire conservé dans la cathédrale de Turin. L’église avait été confiée à une fraternité d’expatriés du duché de Savoie. La famille de Savoie étant à l’origine de la royauté italienne, l’église devint la chapelle privée de la Maison Royale italienne quand Rome accéda au statut de capitale de l’Italie en 1870. Construite en 1605, l’église a connu une campagne d’embellissement supervisée par Carlo Rainaldi.

 

Au numéro 44 de la via del Sudario se trouve le « Palazzetto del Burcardo », un édifice autrefois propriété du maître des cérémonies de cinq papes successifs, de Sixte IV à Jules II ! Johannes Burckardt (1445 / 1506), dont le nom fut italianisé en « Burcardo ». Il s’était fait construire une tour, non sans conflits avec la grande famille des Cesarini qui régnait sur le quartier, tour qu’il avait appelée « Argentoratina » en référence à sa ville d’origine Strasbourg (en latin Argentoratum, nom donné à la ville du fait de ses mines d'argent). Progressivement l’appellation « Argentoratina » devient « Argentina » et remplaça la précédente appellation du quartier, « Calcarario », due aux fours à chaux présents dans la zone car, à la Renaissance, les marbres antiques, parements, décorations et statues, étaient allègrement concassés pour les transformer en chaux et stuc dans des fours. Le nom de la place sur laquelle on débouche à la fin de la rue, raccourci parfois tout simplement en « Argentina », ne fait donc pas référence au pays, l’Argentine [3].

 

Sur le côté Ouest de la place se dresse la façade du théâtre « Argentina » (photo). Si la façade, d’un classique très sobre, date de 1826, la salle a été construite un siècle plus tôt (1732) peu après l’autre grand théâtre de Rome, le théâtre d’Alibert (1716 / 1725). La salle à l’italienne, entièrement en bois pour une bonne acoustique, comprend cent-quatre-vingt-six loges réparties sur six étages. De nombreux opéras connurent ici leur première représentation : en 1816, « Il Barbiere di Siviglia » de Rossini, ou encore « Ernani », « I due Foscari » mais aussi des pièces de théâtre après 1919, comme celles de Pirandello. Le 27 janvier 1849 les Romains ont afflué au théâtre Argentina pour faire un triomphe à l’opéra de Giuseppe Verdi « La Battaglia di Legnano », en présence de Giuseppe Mazzini et Giuseppe Garibaldi. Le sujet, qui avait été commandé par le théâtre Argentina au maître, est inspiré de la bataille du 29 mai 1116 au cours de laquelle l’armée de l'empereur Romain-germanique, Frédéric Barberousse, fut battue par les Communes lombardes réunies dans la Ligue Lombarde. Cet opéra était l’occasion de marquer sa solidarité avec la révolte de la Lombardie contre l'Autriche mais aussi la volonté du peuple italien d’avoir un État unifié et libre. Cette volonté s’exprime dans plusieurs chœurs : à l'ouverture « Viva Italia ! », le Serment « S'apressa un dì che all'Austro » (I, 1) et le Serment « Giuriam d'Italia por fine ai danni » (III, 1). 

 

« Le premier acte fut bissé entièrement et le chœur fut accueilli par un charivari inexprimable » [4].

 

Les Romains y étaient d’autant plus sensibles qu’ils étaient eux-mêmes sous le joug de l’État pontifical qu’ils souhaitaient renverser, ce qu’ils firent quelques jours plus tard, le 9 février 1849 ! [5]

 

Le théâtre abrite également un petit musée situé au dernier étage [6]. Y sont exposées des documents liés à l'histoire du quartier et du théâtre avec des photographies, des dessins, des reliefs décoratifs, des affiches (1918 / 1944).

 


[1] Sudare et suer sont dérivés du latin sudarium, le linge pour essuyer la sueur… à l’origine de sudario et suaire, le linceul.

[2] Romanchurches. "Santissimo Sudario di Nostro Signore Gesù Cristo".

[3] Le nom du pays dérive également de la richesse supposée en argent de la région du Rio de la Plata.

[4] Bertrand Dermoncourt. « Tout Verdi ». 2013.

[5] Rappel : c’est une expédition militaire française, votée par l'Assemblée nationale de la IIe République française et avec le soutien du président de la République, Louis-Napoléon, qui rétablira le pouvoir du pape en juillet 1849 !

[6] Sovraintendenza dei Bieni Culturali. « Museo del Teatro Argentina ». 

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Sant'Eustachio

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