Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
31 mai 2016

Luanda, la perle de l'Afrique (17/26). La valse des Kwanzas.

Une inflation type « République de Weimar » - Un pays à deux monnaies, le dollar et le kwanza

 

 

« Un sac pour les courses, un autre pour l’argent »[1].

 

En Angola, l’inflation continue de caracoler. La monnaie se déprécie tellement vite que, même pour un séjour de dix jours, il vaut mieux fractionner ses opérations de change et il y a tellement de zéros sur les valeurs faciales des billets qu’on n’arrive même plus à les compter !

 

Après l’indépendance de l’Angola, en 1975, le nouvel Etat utilisa d’abord l’escudo de la Banque d’Angola, équivalent de l’escudo portugais. En 1977, il met en circulation une monnaie nouvelle, le «Kwanza», du nom du fleuve le plus important du pays. Les billets, tous de la même dimension quelle que soit leur valeur faciale, représentent des sites géographiques du pays ou des thèmes chers aux pays socialistes : école, lutte de libération nationale ou plate-forme pétrolière.

 

En septembre 1989, soit un an après son admission au Fond Monétaire International, un «nouveau kwanza» est mis en circulation. La monnaie nationale angolaise perd plus de 50% de sa valeur. Dans un premier temps les valeurs faciales restent les mêmes mais il est rajouté en surimpression « NOVO KWANZA ». Une nouvelle dévaluation est décidée en mars 1991, puis une autre de 50% a lieu en décembre 1991. Le taux de change est désormais de 1 US$ = 180 NKz. Cette dévaluation est suivie par celle d’avril 1992 de 67%. En février 1993, nouvelle dévaluation ramenant la monnaie à une valeur de 1 US$ = 7 000 NKz. Mais ces chiffres sont ceux des taux de change officiels, en réalité sur le marché parallèle les taux sont de 1,5 à 2 fois plus élevés. Par exemple, en avril 1995, le taux de change officiel était de 1 $ = 900 000 Nkz, mais au marché noir il était de 1 $ = 1 900 000 NKz[2]. Les billets conservent néanmoins les mêmes dessins, côté pile les profils des présidents Agostinho Neto et José Eduardo dos Santos, côté face, la  façade de la Banque nationale (en rouge), les chutes de Kalandulas (en vert), la serra da Leba (en marron vert), les antilopes Palanca negra (en marron), les rhinocéros (en rouge).

 

En 1995, nième dévaluation avec la création d’un nouveau « nouveau kwanza » qui vaut mille nouveaux kwanzas. Il est dénommé « KWANZA REAJUSTADOS ». En 1996, il faut déjà quarante mille kwanzas réajustés pour un dollar, en 1997 il en faut 229 040 ! Si, en dessin sur les billets, on retrouve la Banque centrale (en vert cette fois), la serra da Leba (en rouge vert), d’autres dessins apparaissent, nouvelle antilope Palanca (en brun), nouvelle plateforme pétrolière (en rouge), nouveau radar de télécommunication (en orange), nouveau barrage de Matala (en marron), nouvelle écolière (en vert).  Même avec un billet à valeur faciale de cinq millions de kwanzas, cela ne correspond qu’à vingt dollars. Compte-tenu qu’une chambre d’hôtel coûte au moins 150 dollars à Luanda, cela représente déjà huit billets par jour, pour une semaine, une cinquantaine sans compter le coût des repas. A ce rythme, il faut une brouette pour payer sa facture d’hôtel. Les banques et les hôtels n’ayant pas de brouette à disposition, les règlements s’effectuent en dollars papier, les cartes de crédit étant inconnues.

 

Par contre, dans les restaurants de la ville, les paiements s’opèrent encore en monnaie locale ce qui implique d’aller au restaurant avec un sac plastique pour y ranger sa monnaie ! Les billets ne sont jamais utilisés un par un, mais toujours par paquets de 10, associés ensemble par le dixième plié transversalement ; dix paquets sont à leur tour liés par un élastique, soit cent coupures. Curieusement, pour payer son essence, il faut utiliser un autre système monétaire, les pièces ! Le prix de l’essence est tellement dérisoire qu’il exige d’utiliser des pièces de monnaie et des billets de très faible valeur faciale pour pouvoir payer son plein d’essence. Ces billets et pièces ne peuvent d’ailleurs vous être d’aucune utilité dans les autres domaines marchands, même pour donner un pourboire car son montant serait tellement ridicule qu’il pourrait être considéré comme une injure !

 

Nouvelle dévaluation en décembre 1999 : le « tout nouveau » kwanza s’échange contre un million de kwanzas réajustés. On retrouve les mêmes dessins sur les billets, mais ils changent une nouvelle fois de couleur. De 1990 à 2000, il y a eu environ 10 dévaluations de la monnaie nationale.

 


[1] Courrier International. N° 290 du 25 au 29 mai 1996. In « Diaro de Noticias ». 1996.

[2] Pour la promotion de l'esprit scientifique en Afrique. N°185 (note de 2015).

 

Liste des articles sur Luanda, perle de l'Afrique

Télécharger le document intégral

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 395