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Notes d'Itinérances
6 juin 2016

Luanda, la perle de l'Afrique (20/26). Une promenade en ville ?

Pas de boutiques, pas de cafés et des trottoirs pleins de dangers – Une ville de grilles, d’alarmes et de vigiles

 

 

Pas de rendez-vous ce matin. Que faire ?

 

Alain-Quichotte se promet une promenade en ville pour retrouver certains quartiers de la ville, faire des achats de souvenirs au « Miroir de la mode » avant d’aller les faire estampiller au « Palais de Fer » par le service d’exportation des biens culturels.

 

Alain-Sancho n’est pas vraiment d’accord dans la mesure où la ville a peu changé. Qu’y a-t-il à voir de plus sinon de nouveaux tas d’ordures ? Et puis, cette ville est pleine de Noirs inconnus et menaçants, à défaut de « Teurs » [1].

 

Alain-Quichotte refuse de rester toute la matinée dans la chambre d’hôtel et veut respirer la poussière avec l’air de la ville. Alain-Sancho se demande toujours comment un Blanc riche, plein de dollars, peut passer au milieu de tous ces Noirs pauvres, sans un Kwanza... ce qui est encore beaucoup moins qu’un radis au cours actuel du Kwanza ! Alain-Quichotte lui rétorque que finalement ce sont les Noirs pauvres qui ont encore plus peur de lui parce qu’il symbolise la puissance.

 

« Au fond, le nègre n’a pas de vie pleine et autonome : c’est un objet bizarre ; il est réduit à sa fonction parasite, celle de distraire les hommes blancs par son baroque vaguement menaçant : l’Afrique, c’est un guignol un peu dangereux » [2].

 

Bref, cela se termine par un compromis, un petit tour dans la ville, mais sans excès et Alain-Sancho pourra s’effondrer au bar où il n’aura que des cafards à affronter.

 

Le « Miroir de la mode » est une ancienne boutique de mercerie et de lingerie située sur une petite place du vieux Luanda, derrière le ministère des Affaires étrangères. Le magasin est tenu par un vieux portugais qui contrôle toutes les activités de ses très nombreux employés. Sur les étagères, c’est un fouillis de statuettes, ou d’objets en bois recouverts de poussière. Pour examiner les pièces il faut passer derrière le comptoir et chercher dans ce capharnaüm les pièces qui vous plaisent. Une fois le choix effectué, l’employé va présenter la pièce au patron qui laisse tomber un prix, d’autorité. Cela ne se discute pas. La boutique est également remplie de petits revendeurs ou de fournisseurs qui viennent soit s’approvisionner soit proposer leurs produits. Bizarrement, les clients sont derrière le comptoir pour choisir leurs objets, alors que devant le comptoir, ce sont les fournisseurs qui se pressent !

 

A sa décharge, Alain-Sancho n’est pas seul dans cette ville à ne pas oser s’y promener à pied. Les pauvres Noirs font tout autant peur aux autres Blancs. Face à ma fenêtre, sur le toit de l’ambassade du Portugal,  je remarque un Blanc qui fait son jogging matinal, tournant cent fois en rond sur la terrasse du septième étage de l’immeuble alors qu’il me semblerait quand même plus agréable de courir le long du boulevard de front de mer. Il doit s’y sentir plus en sécurité. Il faut dire qu’il est fortement déconseillé en plein jour de s’aventurer, à pied, en dehors du centre ville, comme de s’y hasarder en véhicule la nuit, un ami coopérant français s’étant fait tirer sur sa voiture dans un quartier excentré.

 

Mais les pauvres Noirs font tout aussi peur aux Noirs aisés qui montent dans leur véhicule et s’y barricadent soigneusement pour faire quelques centaines de mètres. Luanda vit dans une psychose permanente des vols et des agressions, les sirènes d’alarme des voitures hurlent jour et nuit, les grilles encagent balcons et fenêtres, les portes sont doublées de feuilles de métal et agrémentées d’un nombre impressionnant de serrures et le métier qui connaît le plus fort taux d’embauche est celui de vigile. Ils sont partout, devant les hôtels, les banques, dans les rares boutiques, les services privés et les entrepôts, les immeubles, en tenue paramilitaire, de couleur bleue ou marron, avec large ceinturon, casquette surmontée d’énormes insignes où l’on distingue une étoile à cinq branches de shérif, godillots montants noirs, et avec à la main l’inévitable matraque. Il parait que certaines familles se « payent » même un garde permanent à la maison de peur des enlèvements !

 

Il n’y a guère qu’à la grande poste et dans les ministères qu’il n’y a pas de vigile car il n’y a plus rien à y voler : seulement quelques vieilles machines à écrire invendables. Encore que ? A la ferraille et au poids ?

 


[1] « Teurs » : turcs selon les Tarasconnais de Daudet.

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