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Notes d'Itinérances
24 août 2023

Ludovisi - En remontant la Via Veneto (9/10). Un SDF de quinze-cent ans à la Porta Pinciana !

Le mur d’Aurélien – Une triste fin de vie pour un général célèbre

 

 

La via Vittorio Veneto se termine à la Porte Pinciana, une des portes du mur érigé par Aurélien de 270 à 275. Avec ses 19 kilomètres de long et ses 8 mètres de haut, il devait protéger la ville des attaques des barbares. La fortification est construite en blocage, un béton antique composé de morceaux de tuf, de briques cassées mais aussi de fragments architecturaux ou sculpturaux de petite dimension ; le tout entre deux parements extérieurs de briques. Le soubassement de la muraille était surmonté de chambres voûtées et d’un chemin de ronde. Ces chambres permettaient, non seulement d’avoir des magasins pour stocker les armes, mais aussi de diminuer le volume de béton à réaliser. Tous les vingt pas (soit environ tous les 30 mètres) une tour quadrangulaire faisait saillie. Entre le Pincio (la Villa Borghese) et le Pinciano (les jardins de la Villa Médicis), le muro Torto emprunte une tranchée pour descendre au niveau de la piazza del Popolo en longeant les jardins de la villa Farnèse.

La porte Pinciana, à l’origine, était de taille modeste et ne comprenait qu’une entrée, celle toute simple qui est bâtie en travertin. Les tours semi-circulaires qui l’encadrent sont d’une date postérieure, de 547, pour défendre la ville lors de son Nième assaut - on ne les compte plus tant il y en eut – par ces hordes de barbares, Wisigoths, Ostrogoths, Lombards, ou autres Vandales. Dans les temps anciens, la porta Pinciana était aussi appelé « Porta Turata » (Porte fermée, car elle était fréquemment murée) ou « Porta Salaria vetus » (La porte antique du sel) car elle donnait accès à la route du sel [1], la via Salaria, qui conduit de Rome à Castrum Truentinum (Porto d'Ascoli) sur la mer Adriatique, en traversant les Apennins. La dénomination Pinciana fut aussi parfois déformée en « Porciana » ou « Portiniana ». Enfin, en référence aux combats qui s’y déroulèrent et au général qui la défendit, elle était aussi appelée « Porta Belisaria ». Quand, une dizaine d’années plus tôt, en 536 / 537, le roi des Ostrogoths, Vitigès, vint mettre le siège devant la ville à la tête de 150 000 hommes. Il s’établit près de la porta Pinciana, sur l’emplacement actuel du parc de la villa Borghese. Pour harceler les Goths, le général byzantin Bélisaire, qui avait reconquis les provinces italiennes perdues au siècle précédent par l’empereur de Byzance, fit plusieurs sorties dont une à partir de la porta Pinciana. Vitigès fit également une tentative d’assaut de cette porte, mais elle fut repoussée. 

 

La tradition veut que Bélisaire, dans la disgrâce, vieux et pauvre, mendiait sur le seuil de cette porte où il avait connu certains de ses succès militaires. Une inscription faite au Moyen-âge le signalait mais elle fut effacée lors d’une restauration au cours du XIXe siècle. Un tableau de David (photo, « Bélisaire demandant l’aumône », 1781) illustre l’ingratitude des puissants en montrant le vieux Bélisaire, quasi aveugle, accompagné d’un enfant, demandant l’aumône à une riche romaine en tendant son casque, alors qu’à l’arrière-plan un soldat romain lève les bras aux ciels devant ce spectacle désolant d’une vieille gloire militaire réduite à vivre de la charité publique. Au passage, on remarque que David a beaucoup amélioré la Porta Pinciana en la décorant de magnifiques colonnes cannelées ; la porte étant en réalité des plus simples, sans colonnes ni fioritures ! Mais ainsi parée, la porte souligne davantage encore la détresse du vieillard Bélisaire. Il semblerait toutefois que la réalité soit toute autre, plus logique et plus prosaïque. Dommage. Bélisaire aurait fini sa vie à Byzance et non à Rome, bien qu’également pauvre ! L’image me plaît néanmoins et je préfère penser que je passe là où le vieux Bélisaire apostrophait les passants pour obtenir la charité.

 

La Porta Pinciana ouvre sur les jardins Borghese, un espace vert de 80 hectares au cœur de Rome. Le cardinal Borghese avait acquis le lieu et fait transformer, en 1605, des vignobles en jardin agrémenté de nombreuses fontaines. Avec la mode des jardins anglais, à la fin du XVIIIe siècle, le parc a été transformé, puis racheté par le gouvernement italien, au début du XXe siècle, avant d’être rétrocédé à la ville de Rome en 1903 pour devenir un espace public.

 


[1] Du Ve et au XVe siècles, la perception d’un péage aux portes de la ville était concédée à des particuliers ! Un document de 1467 précisait les modalités de mise aux enchères des portes de la ville pour une durée d'un an. Un comte de Stefano Maccaroni aurait gagné, en 1474, la concession des portes Pinciana et Salaria à un prix assez élevé signifiant que le trafic devait être important. Site « Sotterranei di Roma – Porta Pinciana ».

 

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades dans Ludovisi

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