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Notes d'Itinérances
15 mars 2023

Rome, étrange et curieuse (9/45). Rione Campo Marzio IV (4) – Le palais des monstres - Via Gregoriana, 28.

La Bibliotheca Hertziana – Le Palais Zuccari - La maison d'Ingres

 

 

Le palais Zuccari (1590 / 1598) présente en façade portail et fenêtres insérés dans la gueule de monstres, bouches grandes ouvertes (photo) ! Le peintre Federico Zuccari (1542 / 1609) acheta ce terrain en 1590 pour s’y faire bâtir sa maison et son atelier. Zuccari était devenu un peintre très réputé après avoir peint les fresques du dôme de Santa Maria del Fiore à Florence, à l’intérieur de la fameuse coupole de Brunelleschi. Il y avait notamment peint des personnages de très grande taille et s’était spécialisé dans les compositions gigantesques.

 

Pour la réalisation de sa maison, Zuccari se serait inspiré du jardin de Bomarzo (province de Viterbe), aussi appelé Parc des monstres, réalisé de 1548 à 1580 par l'architecte Pirro Ligorio et le sculpteur Simone Moschino. Une gigantesque tête d’ogre à la bouche ouverte sert de porte d’entrée et sur sa lèvre supérieure est inscrit « Ogni pensiero vola » (Toute pensée s'envole). La sculpture est aussi appelée la « Porte des enfers » faisant référence aux représentations médiévales traditionnelles de l’entrée des enfers mais aussi à l'Enfer de Dante. Par testament, Federico Zuccari a souhaité que sa demeure serve aux peintres étrangers. De fait, elle passera à plusieurs propriétaires même si, parfois, elle accueillit aussi des peintres dont Louis David [1].

 

Finalement, le palais devint la propriété d’Henriette Hertz. Henriette Hertz, née en 1846 à Cologne dans une riche famille, a consacré toute sa vie aux arts. Elle a créé un « Institut romain d’histoire de l’art pour la recherche sur l’art et la sculpture depuis la Renaissance, avec une attention particulière à Rome ». Aussi étonnant que cela puisse paraître, il s’agissait de la première bibliothèque spécialisée en histoire de l’art à Rome ! La société Max Planck a aujourd’hui la charge de la bibliothèque « Hertziana » [2]. Elle a acquis le palais Stroganov voisin et construisit un nouveau bâtiment dans les années 60 pour y abriter ses collections. Mais avec ses 240 000 volumes et ses 500 000 photographies, il était devenu nécessaire de restructurer l’ensemble qui ne permettait plus d’accueillir les lecteurs dans de bonnes conditions et ne respectait pas les normes de sécurité. C’est un architecte espagnol, Juan Navarro Baldeweg, qui a été chargé du projet de création d’un nouveau bâtiment. Rome intra-muros compte peu d’immeubles ou de bâtiments contemporains et l’érection d’un nouveau bâtiment est donc suffisamment rare pour être noté d’autant que, bien sûr, toute construction nouvelle pose question sur un sol qui est utilisé et réutilisé depuis plus de deux mille ans. Le chantier de la Biblioteca Herziana n’y a d’ailleurs pas échappé qui a permis de dégager les restes de la villa du général romain Lucullus. 

 

Le nouveau bâtiment est plus spectaculaire à l’intérieur qu’à l’extérieur. Construit sur un terrain en pente, il se dissimule, côté Via Sistina, derrière une façade ancienne conservée, et côté via Gregoriana, derrière la façade de l’immeuble de Federico Zuccari. Derrière ces façades a été creusé une profonde cavité. La Biblioteca Hertziana comprend cinq galeries superposées, souterraines et aériennes, ouvertes sur un puit central qui dispense la lumière dans les différents étages à partir d’un toit de verre en forme d’entonnoir. Un mur oblique réfléchit la lumière vers les galeries. Les murs entourant le puits de lumière sont recouverts de briques blanches pour rendre l’espace lumineux. Les cinq niveaux abritent les étagères côté via Sistina et les salles de lecture côté via Gregoriana.

 

A quelques pas de là, via Gregoriana toujours, au n°34, est située la maison qu’habitait Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780 / 1867) lors de son séjour à Rome [3]. Ingres fera un premier séjour à Rome de 1806 à 1820, notamment comme pensionnaire de l’Académie de France, période pendant laquelle il peignit « La baigneuse ». L’Italie eut une importance déterminante dans sa peinture et Ingres déclarait à ce propos : « On m'avait trompé, Messieurs, et j'ai dû refaire mon éducation ». Au cours d’un second séjour, de 1835 à 1841 il deviendra directeur de l’Académie de France.

 


[1] Le palais Zuccari sert de cadre au roman de Gabriele d’Annunzio « Il Piacere » (Le plaisir), 1889, titre traduit en français par « L’enfant de volupté » (!).

[2] Voir l’histoire, parfois tumultueuse au XXe siècle, de la bibliothèque sur le site de la Biblioteca Hertziana. 

[3] Melania Mazzucco. « Ingres, artista rivoluzionario e borghese in 'esilio' a Roma sognando Parigi ». La Repubblica. 11/12/2011.

 

Liste des promenades dans Rome  et liste des promenades dans Rome étrange et curieuse

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