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Notes d'Itinérances
9 mars 2023

Rome, étrange et curieuse (6/45). Rione Campo Marzio IV (1) – Un curieux lieu de rencontre - Vicolo del Grottino, 3B.

San Carlo al Corso - Une crypte d'église transformée en boite de nuit ! - La pratique religieuse en Italie

 

 

 « En avançant dans le Cours, on trouve à droite la grande église de Saint Charles qui n’est remarquable que par sa masse et sa coupole à double calotte » [1].

 

Santi Ambrogio e Carlo al Corso est l'église régionale des Lombards. Commencée en 1612, la façade est lourde, sans grâce, et l’intérieur très chargé. La particularité du projet, c’était le choix d’un grand déambulatoire derrière l'autel inspiré de l'architecture de la cathédrale de Milan [2]. Seul élément remarquable, le Dôme (1668) construit sur les plans de Pierre de Cortone (photo). C’est une coupole élégante, ovoïde, posée sur une console circulaire de travertin décorée d’oculi ovales, sur un haut tambour agrémenté de fenêtres longilignes encadrées de colonnes de travertin.

 

Sur la gauche de l’église s’ouvre une ruelle : le vicolo del Grottino. Au n°3B, vous trouverez la porte d’une nouvelle boite de nuit située dans la crypte de l’église, le « GP2 » pour « Centro Giovanile Giovani-Paolo II » ! La crypte de l’église est donc devenue, en 2010, un lieu de rencontre, dédié aux jeunes romains comme aux jeunes étrangers, suite à l’initiative du père Maurizio Mirilli, chef de la pastorale des jeunes dans l'Église catholique de Rome. 

 

« Au cœur d'une ville déjà riche en lieux de divertissement offres et culturel, manquait un espace où les jeunes chrétiens pourraient exprimer leur créativité et leurs talents ». 

 

Le Cercle GP2 est un espace multimédia où peuvent avoir lieu des expositions d'arts, de peintures, de photographies, des séances de cinéma, mais où l’on peut aussi écouter de la musique. C’est un café ouvert tous les jours, de 19h00 à minuit, où l’on peut boire une bière, un verre de vin et danser. Que l’église catholique utilise ses locaux pour s’ouvrir au monde actuel et notamment aux jeunes est une initiative sympathique bien, qu’à mon avis, un peu désespérée. Seuls 15% des jeunes italiens de 18 et 29 ans se déclarent catholiques pratiquants (contre 18% en 2004), c’est à dire beaucoup moins que la moyenne des Italiens. 30 % des Italiens tous âges confondus affirment assister à la messe tous les dimanches (60% dans les années 50), 20 % disent y aller une à trois fois par mois et 30 % déclarent s'y rendre à Noël, à Pâques et aux grandes fêtes (en France, les gens qui affirment aller à la messe tous les dimanches représentent moins de 5 % de la population). Le public du GP2 est donc certainement beaucoup plus jeune que celui qui hante les travées de l’étage au-dessus.

 

Malgré un effritement de la pratique religieuse, l’église catholique italienne présente encore de beaux restes grâce au concordat signé entre l’État italien et le Vatican, en 1929, avec les accords du Latran [3]. Certes, l’accord de la « Villa Madame », de 1984, modifiant les accords du Latran, a supprimé le salaire versé par l’État à tous les prêtres catholiques mais, en contrepartie, chaque contribuable italien doit verser 0,8% de ses impôts sur le revenu au profit d’une communauté religieuse de son choix. Il n’est pas possible d’y échapper, même en se déclarant athée ; si le contribuable ne choisit pas de bénéficiaire, son montant est divisé en proportion de ceux qui l’ont fait. Si plus de 50% de la population n’a pas fait de choix, in fine, 98% des 0,8% prélevés est destiné à l’église catholique italienne ! Mais il n’y a pas que les questions d’argent qui donnent à l’église italienne de beaux restes. La séparation de l’Église et de l’État, marquée dans la constitution de 1948 (« article 7 : L'État et l'Église catholique sont, chacun dans son propre ordre, indépendants et souverains »), s’exprime assez différemment en Italie en regard de celle de la France. Avec une contribution spécifique pour les communautés religieuses prélevée par l’État comme on l’a vu, mais aussi par une délégation de certains services publics comme ceux de l’État civil par exemple. En Italie, le mariage peut n’être célébré qu’à l’église, auquel cas c’est le prêtre qui enregistre l’acte et transmet l’original au service concerné de la municipalité. Par ailleurs, des cours de religion catholique sont dispensés dans toutes les écoles et lycées, par des enseignants payés par l’État, alors que la fréquentation des élèves de ces cours (non obligatoires) diminue dans le temps (-10% entre 1998 et 2023) et avec l’âge (de 88% en primaire à 75% dans les instituts techniques).

 

[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

[2] Roman churches. « San Carlo al Corso ». 

[3] Daniele Menozzi. « Les métamorphoses du religieux dans l'Italie républicaine ». In « Vingtième Siècle. Revue d'histoire ». 2008.

 

Liste des promenades dans Rome  et liste des promenades dans Rome étrange et curieuse

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