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Notes d'Itinérances
20 mai 2023

Rome, étrange et curieuse (42/45). Quartiere Ostiense X (1) – Antiquités et machines à vapeur – Via Ostiense, 106.

Ostiense et Testaccio, le quartier industriel de Rome

 

 

Le nouveau pôle d’exposition des Musei Capitolini est situé dans l’ancienne centrale thermoélectrique « Giovanni Montemartini », au milieu de l'ancienne zone industrielle d'Ostiense, en cours de démolition et de restructuration avec de grands chantiers en cours ou à l’abandon. L'ancien maire de Rome, Walter Veltroni, avait pour objectif de revitaliser la zone et d'y accueillir la « grande architecture internationale » dans une Rome qui avait jusqu’alors été plutôt prudente dans ce domaine. 

 

En 1997, pour libérer de l’espace dans les musées capitolins (Musée du Palais des conservateurs et Musée Neuf) concernés par des travaux de restructuration, la plupart des sculptures antiques avait été temporairement déplacée dans l’espace d’exposition dégagé dans la centrale électrique Montemartini. Ces sculptures ont été exposées dans le hall des machines, entre turbines à vapeur, moteurs diesels et alternateurs, dans le cadre d’une exposition intitulée « Les machines et les dieux » (photo) ! A l’issue des travaux de réaménagement et, suite au très bon accueil réservé par le public à l’exposition, les responsables du musée ont décidé de transformer cet espace, imaginé primitivement comme une solution temporaire, en un siège permanent des acquisitions récentes des musées capitolins, entre archéologie antique et archéologie industrielle [1]. En novembre 2016, le musée s'est agrandi avec l'ouverture d'une nouvelle salle où sont exposées les célèbres voitures du Train de Pie IX Ferretti (1846 / 1878) avec wagon-loggia pour les bénédictions, wagon-salle-du-trône et, bien sûr, wagon-chapelle.

 

Le cadre n’est en effet pas moins intéressant que les Antiques présentés [2] ! Il s’agit de la première centrale électrique de Rome laquelle, à l’origine, en 1912, était propriété de la ville. Le maire de l’époque, élu du « Blocco Popolare » (Bloc Populaire), voulait que les services municipaux soient propriété publique et non privée (tiens, tiens… voilà qui n’est pas sans résonnance actuelle avec la question des délégations de services publics en France…). La centrale avait été construite au bord du Tibre pour assurer son alimentation en eau et en charbon par un quai sur le fleuve, mais aussi pour être située avant la barrière d'octroi afin de n’avoir pas à payer les impôts de la ville sur le combustible ! La centrale fonctionnait alors au charbon et à la vapeur pour faire tourner ses turbines. Une des trois chaudières à vapeur est d’ailleurs conservée dans le musée ainsi que, dans le sous-sol, les trémies qui recevaient les scories du charbon utilisé pour alimenter les chaudières. Au début des années 30, il devenait nécessaire de moderniser la centrale en utilisant des moteurs diesels pour produire de l’électricité. La centrale fut alors nationalisée par le gouvernement fasciste et inaugurée une nouvelle fois en 1933 par Mussolini à l’occasion de l’installation des deux moteurs diesels. D’une puissance totale de 15 000 chevaux, chaque arbre moteur mesurait plus de vingt mètres et pesait chacun 81 tonnes. Ce sont ces moteurs, restaurés, que l’on peut voir dans la salle des machines. Une nouvelle modernisation eut encore lieu en 1952 pour améliorer la production, mais les équipements de la centrale devenaient obsolètes et l'installation a été abandonnée au milieu des années 1960.

 

Les statues antiques sont donc présentées devant ces monstres modernes, chaudière, moteurs, mais aussi tableaux de commande, tuyauteries, trémies. De marbre blanc, elles n’apparaissent pas perdues malgré l’immensité de la halle au milieu de ces énormes machines mais, au contraire, s’en détachent par contraste sur le fond sombre des appareils, d’autant que le grand hall est très lumineux avec ses grandes et hautes verrières. La vision d’un torse de femme devant un tableau de commande crée un effet de contraste saisissant : une infinie douceur dans le monde brutal de la production. A ceux qui pourraient trouver agressive cette confrontation entre le « monde de l’art » et « le monde du labeur », rappelons que les Romains n’étaient pas les plus grands artistes dans le domaine de la sculpture, mais généralement de fameux copistes des statues hellènes. Les Romains de l’antiquité étaient avant tout des ingénieurs et des organisateurs hors pairs et la centrale électrique Montemartini s’inscrit parfaitement dans cette lignée. 

 


[1] Géraud Buffa. « La reconversion de la centrale Montemartini dans le quartier d’Ostiense à Rome ». In Situ, revue des patrimoines. 26/2015.

Archeologia industriale. « La Centrale Montemartini a Roma Ostiense ». Sd.

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