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Notes d'Itinérances
1 mars 2017

Grèce antique (1/18). Les transformations d’Athènes.

Une ville qui a grandit trop vite – Avec des promoteurs trop gourmands

 

 

« Nous nous tournons tous vers la Grèce et chacun la considère, peu ou prou, comme sa patrie » [1].

 

Sur les cartes postales d’Athènes de la fin du XIXe siècle, entre l’Olympiéïon, vaste temple dont la construction fut terminée par l’empereur romain Adrien, et l’Acropole, pas une maison ; le futur quartier Makrighiani n’est encore qu’un sol nu et râpé, seuls quelques cyprès brisent la perspective. Au Sud-ouest, la colline des muses est également pelée, décorée des serpentins de chemins muletiers. Sur le flanc Sud des falaises de l’Acropole, le théâtre de Dionysos, le portique d’Eumène, roi de Pergame, l’Odéon d’Hérode jaillissent du rocher au milieu d’herbes rases. L’acropole lui-même est un massif rude de roches nues et de falaises glabres. Des bergers, drapés dans une longue cape, portant sur la tête un chèche, gardent de maigres troupeaux de moutons et de chèvres.

 

Les photos réalisées entre les deux guerres témoignent du développement d’une végétation arbustive au pied de l’Acropole, même si celle-ci apparaît encore bien étique, ainsi que de l’apparition d’un fouillis de maisons basses, coupé de vastes avenues de terre battue devant la porte d’Adrien, contournant l’Olympiéïon et se dirigeant vers le nouveau stade olympique.

 

Aujourd’hui, la porte Beulé, au bas des Propylées, est entourée d’oliviers, de chênes verts, d’orangers, les portiques d’Eumène sont cachés par les arbustes, la colline des muses est devenue un parc boisé, l’Olympiéïon, un parc archéologique, et le quartier Makrighiani, un ensemble d’immeubles de rapport, d’hôtels internationaux et de commerces.

 

« Le paysage a changé autour d’Athènes. Il a été bâti. On construit partout le même immeuble disgracieux aux balcons étroits » [2].

 

Le fier rocher de l’Acropole est battu par un flot montant d’arbustes et de maisons. Le vaste espace aux usages encore agricoles est aujourd’hui découpé, délimité, en zones archéologiques, d’espaces verts et d’habitations. L’Athènes bâtie est monotone, quelconque. Les promoteurs ont tout submergé, cassant, rasant, alignant et reproduisant des façades toutes semblables.

 

« En me promenant dans les rues d’Athènes je crois entendre continuellement la conversation à voix basse d’un entrepreneur et d’un fonctionnaire ministériel. Chaque immeuble atteste à sa manière que le fonctionnaire a fini par céder » [3].

 

Parfois, très rarement, les constructeurs ont consenti à laisser un témoignage des temps anciens, comme cette malheureuse petite chapelle de l’avenue Mitropoléos. Imaginez un minuscule oratoire orthodoxe, charmant, à la coupole couverte de tuiles romanes, enfoncé dans le sol surélevé du trottoir et de la route et littéralement recouvert par les arcades d’un immeuble moderne. Il n’était pas question pour le promoteur de reculer la façade de la résidence et perdre ainsi de juteux mètres carrés de logement ! Pour la même raison certainement, les immeubles semblent n’abandonner qu’à regret la place à d’étroits trottoirs. Athènes manque d’espace, Athènes est corsetée. Et si, par hasard, les sociétés immobilières ont accepté, par-ci, par-là, quelques larges perspectives, les automobiles, ayant horreur du vide, sont venues s’y engouffrer : Stadiou, Panépistimiou, Amalias, Léoforos Vasilisis Olgas sont devenus des autoroutes urbaines. Athènes ne ressemble plus à rien, Athènes est un naufrage urbanistique d’où seul le fier Acropole émerge encore et résiste.

 


[1] Predag Matvejevitch. « Bréviaire méditerranéen ». 1987.

[2] Vassilis Alexakis. « La langue maternelle ». 1995.

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