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Notes d'Itinérances
3 mai 2022

Borgo - Au pied du Vatican (8/16). Le Vatican - La Place Saint-Pierre.

Devant Saint-Pierre, il fallait une place qui soit « à la hauteur » de l’édifice

 

 

A l’extrémité de la via della Conciliazione, on pénètre dans le territoire du Vatican avec la colonnade de la Place Saint-Pierre (1657 / 1665).

 

« Il y a des places-mères comme la Place Saint-Pierre de Rome, où la colonnade de Bernin figure les deux bras maternels de l’Église ouverts pour accueillir les fidèles en son sein » [1]

 

La réalisation de la place est commandée en 1656 par le pape Alexandre VII Chigi (1655 / 1667) à Gian Lorenzo Bernini (Le Bernin), alors au sommet de sa gloire comme sculpteur, afin de mettre en valeur l'espace situé devant la basilique Saint-Pierre. Le Bernin avait une difficile équation à résoudre : dessiner une très grande place afin d’accueillir les très nombreux pèlerins, mais limiter les démolitions coûteuses de bâtiments existants, éviter les effets soulignant l’horizontalité de la façade alors jugée excessive, tenir compte de l’existence d’un obélisque qui avait été posé là au petit-bonheur-la-chance [2], ne pas masquer les fenêtres des appartements pontificaux d’où le pape apparaît pour des bénédictions et assurer des passages à couvert pour des processions !

 

Le Bernin imagina une place composée de deux parties. L'une, en trapèze inversé s'ouvrant vers la basilique, afin de rétrécir visuellement la largeur de la façade évitant ainsi de souligner l’horizontalité de la façade, sur le modèle de la place du Capitole dessinée par Michel-Ange. L'autre, organisée selon deux demi-cercles dont les centres sont situés de part et d’autre de l’obélisque central, et formant deux bras accueillant les pèlerins. L’ensemble architectural symbolise un corps dont la tête est la coupole de la basilique et la colonnade les deux bras. « puisque l'église de Saint-Pierre est la mère de toutes les autres, elle devait avoir un portique qui montre précisément de vouloir recevoir à bras ouverts, maternellement, les catholiques » [3].

 

L'unité de l'ensemble est assurée par les portiques situés sur les côtés de la place, à colonnes toscanes, disposés en deux branches ouvertes à l'orient, comprenant 284 colonnes de 20 mètres de haut, sur quatre rangées. Nous retrouvons le goût de Bernini pour les compositions en trompe l’œil : lorsque l’on est au centre d’un des deux hémicycles, un seul rang de colonnes est visible au lieu des quatre rangs successifs, c’est que la circonférence des colonnes augmente vers l’extérieur du cercle pour donner, de loin, l’impression d’une taille égale des colonnes. Mais laissons la parole à Stendhal : 

 

« Ceci est tout simplement la perfection de l’art. Supposez un plus d’ornements, la majesté serait diminuée ; un peu moins, il y aurait de la nudité. Cet effet délicieux est dû au cavalier Bernin, dont cette colonnade est le chef d’œuvre » [4].

 

Bien que ne manquant pas une occasion de dire tout le mal qu’il pensait de l’art baroque, Stendhal savait néanmoins reconnaître les réussites du Bernin ! Par contre, il se montre des plus sévères sur les 140 statues de saints en travertin qui surplombent la corniche de la colonnade lesquelles, selon lui, présentent des « mouvements assez ridicules ».

 

Pour nous, cette année-là, en ces jours de décembre, il y a aussi un peu trop d’ornements sur la place, diminuant d’autant la majesté du lieu à notre goût. En effet, au pied de l’obélisque, une énorme et bien laide crèche a été construite pour ces temps de Noël, une crèche « naturaliste », plus vraie que nature, une authentique maisonnette de Palestine avec puits, auvent, personnages à taille humaine et oliviers véritables ! Pour un peu nous aurions eu droit à un bœuf, un âne et toute une basse-cour en chair et en os. Dans ce lieu magique, habité naturellement par l’esprit, où la spiritualité est même sensible aux intelligences les plus bassement rationalistes et les plus fermement athées, d’autres esprits, étroits, rétrogrades ou pire, condescendants, imaginent répondre à la ferveur populaire par ce Disneyland calotin au centre de la Place Saint-Pierre ! J’en ai honte pour les Catholiques.

 


[1] Dominique Fernandez. « Le voyage d’Italie – Dictionnaire amoureux ». 1997.

[2] Jean-Jacques Gloton. « Les obélisques romains de la Renaissance au néoclassicisme ». In « Mélanges d'archéologie et d'histoire ». Tome 73. 1961.

[3] Sonia Gallico. « Roma et la Cité du Vatican ». 2007. Cité par Wikypedia.

[4] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades dans le rione de Borgo.

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