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Notes d'Itinérances
20 novembre 2017

Ponte - Dans la courbe du Tibre (11/13). La piazza Fiammetta.

Honneur à une prostituée ! – La prostitution dans la Rome papale

 

 

Vers la fin de la via dei Coronari, avant d’arriver à la grande avenue Giuseppe Zanardelli qui donne sur l’imposante pièce montée en crème chantilly du Palais de Justice lequel abrite la cour de cassation, vous avez, sur la gauche, une étroite ruelle (la via di tre Archi) qui par un parcours en baïonnette avec le vicolo di San Trifone, vous conduit à la piazza Fiammetta. La place tire son nom de celui de la maison située au numéro 16 connue sous le nom de Casa di Fiammetta, ayant appartenue à la célèbre courtisane Fiammetta Michelis [1].

 

La maison a été construite au XVe siècle. Elle est construite en briques, précédée d’un portique à deux arcs avec deux colonnes et des piliers aux angles. La maison a été surélevée d’un étage. Rachetée par la famille Bennicelli au début de XXe siècle, celle-ci a rajouté ses armes sur la balustrade du balcon.

 

Fiammetta Michelis, florentine de naissance, arrive à Rome en 1478, à l’âge de 13 ans, avec sa mère, prostituée. Elle devient l'amante du cardinal Jacopo Ammannati Piccolomini qui meurt en 1479 et la désigne comme son héritière ! Bien que les mœurs à la cour pontificale soient alors assez « libres », cela fait néanmoins scandale et le pape Sixte IV della Rovere (1471 / 1484) fait examiner le testament par une commission qui liquide la succession. Celui-ci fait acte de charité en attribuant une partie conséquente des biens du cardinal à Fiammetta Michelis « pour l'amour de Dieu et de lui fournir une dot » : un vignoble et trois maisons dont une au 157 de la via dei Coronari et celle de la place qui porte désormais son nom. Il n’est pas sûr qu’elle y ait habité, mais plus vraisemblablement elle aurait loué ces maisons.

 

La renommée de Fiammetta grandit et, en 1493, elle est l'amante de Cesare Borgia (1475 / 1507),  cardinal, condottiere, assassin et mécène, fils du pape Alexandre VI Borgia (1492 / 1503) qui n’était évidemment pas un modèle de vertu. Fiammetta Michelis est morte en février 1512, enterrée vraisemblablement, selon sa volonté, à l'intérieur de l'église Sant‘Agostino dans la première chapelle à gauche qui lui appartenait déjà en 1506. Toutes traces de sa sépulture à Sant‘Agostino ont disparu, comme celles de Giulia Campana et ses filles Tullia d'Aragona et Penelope, autres courtisanes de haut rang qui y auraient été enterrées. Dans « Dialogo del Zoppino » [2], de 1539, il est écrit « La Fiammetta avait encore une belle fin, et j'ai vu à Sant‘Agostino sa chapelle ».

 

Fiammetta faisait partie de la catégorie des « courtisanes honnêtes », celles qui côtoyaient les classes les plus élevées de la Rome papale, appréciaient les arts, étaient susceptibles de soutenir une conversation. Celles-ci habitaient généralement dans le quartier de Ponte. La prostitution était alors composée de différentes catégories, les « courtisanes de bougie » de la plus basse condition, celles « de jalousie » qui attiraient les clients de la fenêtre, celles dites « dominicales » qui pratiquaient le métier seulement de dimanche. Il y aurait eu 1 500 prostituées recensées à Rome en 1526 pour une population de 60 000 habitants, soit 3% de la population recensée ce qui est un chiffre conséquent, mais la population ecclésiastique n’était pas moins importante [3] et les pèlerins de sexe masculin très nombreux !

 

Sixte IV qui cherchait comment financer les travaux de la chapelle Sixtine a poussé l’imagination et l’audace jusqu’à mettre en place une taxe spéciale sur ces pauvres filles ainsi que sur les prêtres ayant des maitresses. La taxe lui aurait rapporté une somme de 20 000 ducats chaque année. Et voilà comment nous pouvons aujourd’hui admirer les fresques de Michel-Ange !

 


[1] Giulia Chesi. « Fiammetta e la sua piazza » (Fiammetta et sa place). Facoltà Scienze della Formazione, Corso di Studio, Formazione e Sviluppo Risorse Umane. 2002 / 2003. 

Claudio Rendina. « Fiammetta, l'amante dei porporati ». (Fiammetta l’amante des « empourprés »). La Repubblica. 15 avril 2007.

Antonio Venditti. « La Casa di Fiammetta, una cortigiana onesta ». (La maison de Fiammetta, une courtisane honnête). In Specchioromano - Réseau télématique de la culture. 2003 / 2008. 

[2] « Ragionamento del Zoppino fatto frate, e Lodovico puttaniere, dove contiensi la vita et genealogia di tutte le  cortigiane di Roma », 1539, (Dialogue d’un boiteux devenu Frère, et Ludovico, putassier, où sont contenues la vie et la généalogie de toutes les courtisanes de Rome) est attribué à tort à l’Arétin d’après Guillaume Apollinaire.

[3] A la fin du XVIe siècle, Rome comptait une population religieuse de 6 000 personnes pour 100 000 habitants.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur le quartier de Ponte

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