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Notes d'Itinérances
4 juin 2018

Cameroun - Années 80 (18/34). Sud Cameroun - Le Groupement villageois de Metet.

Une révolution silencieuse en marche en milieu rural

 

Cameroun Centre Metet Coopérative chant de bienvenue et de solidarité

 

Un après-midi est consacré à la visite d’un groupement villageois, la « FEDEPPAM », à Metet, un village situé à une vingtaine de kilomètres au Sud de M’Balmayo sur la route d’Ebolowa, dans le district de Nkolmetet. Le village est un alignement de cases le long de la route. Elles sont construites en banco « armé » : les murs sont constitués d’un treillis de bois sur lequel s’applique un mélange de paille et d’argile. Les toits sont réalisés en feuilles de palmes tressées pour les familles les plus pauvres, ou de plaques de tôles pour les plus riches. Pas de cheminée au-dessus de l’âtre, les fumées s’évacuent au travers du toit de feuilles assurant ainsi la désinfection et l’élimination des larves ou insectes qui pourraient s’y développer. Les cases sont un peu éloignées de la route afin de comporter chacune un petit jardin, devant et derrière, jardins où poussent les indispensables bananiers-plantains.

 

Le secrétaire du groupement nous accueille devant la « case de justice ». C’est un paysan de Metet qui a suivi les cours de l’école primaire coloniale et qui s’exprime dans un français parfait, avec une pointe de préciosité. Il prend plaisir à citer les auteurs classiques français et à réciter des vers de Hugo ou de Lamartine. C’est manifestement avec un contentement gourmand qu’il me déclame ces vers qu’il ne doit pas pouvoir placer tous les jours au village :

 

« Un soir, t’en souvient-il ? Nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
  Tes flots harmonieux » [1].

 

La case de justice se distingue des autres par ses murs cimentés, son toit couvert de tôle et le mât de bois qui la précède et qui doit servir de hampe de drapeau. Les paysans du groupement, endimanchés, nous attendent devant la case. Nous saluons chacun d’entre eux en leur serrant la main en une longue procession avant de rentrer dans la case où a été disposé un ensemble de sièges disparates sagement alignés au fond de la pièce blanchie de frais. Les paysans s’installent sur les bancs qui nous font face. Le Secrétaire, en bon maître de cérémonie, nous présente les responsables du groupement, la présidente, le trésorier et leurs adjoints, puis les différents membres présents. Nous déclinons ensuite, à notre tour, nos identités, nos activités et les raisons de notre présence au Cameroun. Ces civilités effectuées, la Présidente, avant de nous décrire les activités de son groupement, souhaite que nous chantions ensemble, ainsi qu’ils le font eux-mêmes au début de chaque réunion. L’air en est simple et les paroles soulignent l’importance de l’union pour bâtir une vie meilleure ; au refrain qui reprend le mot « unité », tous les participants se prennent par la main en levant les bras pour souligner la communauté d’esprit des participants et leur solidarité. C’est à la fois naïf et touchant et fait songer aux assemblées de ces révolutionnaires du XIXe siècle au cours desquelles de semblables rituels, copiés sur ceux des cultes catholiques, étaient utilisés.

 

Les responsables du groupement nous amènent ensuite visiter leur champ d’essais. C’est un petit champ, dans une partie nouvellement défrichée de la forêt où les souches des grands arbres sont encore là et où ont été plantées quelques nouvelles variétés de maïs, de bananier, de macabo, le tout totalement mélangé, à l’africaine. L’ensemble est modeste car le groupement n’a que peu d’argent pour essayer de nouvelles cultures, acheter des engrais et des produits phytosanitaires. 

 

Mais c’est un pas énorme qui est franchi ! Ce qui est nouveau au Cameroun, ce ne sont pas les coopératives dont la création a toujours été encouragée par l’Etat et les financeurs internationaux, coopératives à la tête desquelles le parti du Président s’empressait de placer ses hommes-liges afin d’en contrôler le fonctionnement et éviter qu’elles ne deviennent des lieux de contestation. En conséquence, les paysans se désintéressaient du fonctionnement de ces coopératives qui leur apparaissaient comme des administrations supplémentaires. Ce qui apparaît nouveau c’est que l’Etat, au service du Parti et de son Président, faute de moyens, a perdu sa capacité de surveillance des populations libérant ainsi les initiatives locales et les associations volontaires de paysans. Les ONG, les églises, s’efforcent de les aider à se grouper pour améliorer leurs productions, transformer et commercialiser leurs produits, avec des moyens évidemment très modestes.

 


[1] Alphonse de Lamartine. « Le lac ». 1820.

 

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