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Notes d'Itinérances
10 juin 2018

Cameroun - Années 80 (21/34). Sud Cameroun - Ebolowa.

Choisir entre couleur locale et efficacité ?

 

 

Pour notre premier déplacement à Ebolowa, nous acceptons volontiers d’être hébergés dans « la case de passage » de l’école d’agriculture. C’est une villa, identique à celles mises à la disposition des enseignants et de leurs familles, un cube rectangulaire couvert d’un toit de tôle. Il est meublé assez sommairement. Les lits sont de bons vieux lits de pensionnat dont les sommiers en mailles métalliques ont dû connaître de multiples batailles de polochon, des compétitions de trampoline ou tout autre amusement de ce type selon les pratiques culturelles propres à chaque peuple de potaches en mal d’amusement et de défoulement. Couché, ils donnent la curieuse impression d’être allongé dans un hamac un jour de forte tempête.

 

La « salle d’eau » est plus rustique encore, bien que constituant un formidable progrès pour la population camerounaise reléguant dans un lointain passé le moyen alors le plus courant de faire ses ablutions : une bassine. Grand luxe, la salle d’eau possède une pomme de douche d’où s’écoule quelques jets malingres faisant craindre à tout moment un arrêt brutal du débit du précieux liquide avant même d’avoir pu se débarrasser totalement de la mousse de savon ; le tout s’écoulant tant bien que mal sur un sol de ciment en faible pente vers une prise d’eau dans le sol. La forte pluie tombée la veille au soir, une espèce de déluge de deux ou trois heures, aurait permis de prendre une douche beaucoup plus efficace. Au-dessus du lavabo, un large morceau de glace, au contour inégal, permet de se raser même si c’est avec une certaine approximation compte-tenu de la faible clarté diffusée par une petite ampoule de vingt-cinq watts. Il est néanmoins préférable d’utiliser un rasoir à piles, ou un bon vieux rasoir mécanique, car la prise de courant est située beaucoup trop loin de la glace pour la rallonge du rasoir.

 

Evidemment ces petits inconvénients ne sont pas sans un avantage : celui d’un coût d’hébergement très inférieur aux indemnités journalières perçues. Certains collègues sont d’ailleurs des spécialistes de ce type d’arrangement, tout à fait légal puisque les indemnités d’hébergement sont un forfait journalier calculé par le ministère français des Finances. A chacun de se loger comme il l’entend. Mais il faut bien reconnaître qu’après une nuit passée dans des conditions assez différentes de celles auxquelles je suis habitué induit que je ne suis pas nécessairement très frais pour travailler le lendemain matin. Or, nous sommes en mission peu de temps, non pour prendre des vacances, mais pour travailler ! Conclusion, lors de nos passages suivants, nous préférons loger dans un hôtel situé à la lisière de la grande forêt. Neuf et beaucoup plus cher, il possède les éléments de base d’un confort permettant de passer une nuit réparatrice.

 

Nous avons aussi pris l’habitude de déjeuner dans un petit resto du bord de la route, dont la salle est entièrement habillée de panneaux de bois décorés de peintures d’artistes locaux : des corbeilles de fleurs ainsi que deux grands panneaux représentant, grandeur nature, Adam et Eve dans des poses et des attitudes qui sont manifestement inspirées de Lucas Cranach ! Nus, une jambe en avant, et tenant chacun à la main une branche pour cacher leur sexe, à cette différence avec l’œuvre de Cranach que les corps sont plus épais et les branchages cachant les sexes plus fournis de feuilles plus larges. Adaptation tropicale sans doute ?

 

Ce jour-là, le patron nous annonce avec gourmandise qu’il peut nous proposer de la queue de pangolin ! Un pangolin ? Mammifère euthérien de l’ordre des Pholidotes, genre Manis, de régime strictement myrmécophage (en clair : il ne mange que fourmis et termites). Il est recouvert de grosses écailles et possède une queue qui peut-être deux fois plus longue que le corps de l’animal. Chez le Manis Gigantea, elle peut même atteindre un mètre cinquante ! C’est donc à une queue de cet animal que nous sommes confrontés. L’un d’entre nous, vieux routard de l’Afrique, n’hésite pas. Pour moi, je demande à voir. J’avoue que l’apparence extrêmement grasse du morceau de viande en question m’amène à passer mon tour ! Et tant pis pour le sacro-saint principe: 

 

« En se pliant à toutes les coutumes des habitants, on comprend mieux le pays qu’on traverse » [1] !

 

Nul n’est tenu à l’impossible.


[1] Charles Reynaud. « D’Athènes à Baalbek ». 1846.

 

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