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Notes d'Itinérances
14 juin 2018

Cameroun - Années 80 (23/34). Sud Cameroun - Une présentation sous pression.

Un autre candidat qui, lui, a choisi de faire de la mousse !

 

 

Nous devons aussi participer à des jurys de mémoire pour des professeurs centrafricains, l’état d’abandon total des écoles d’agriculture dans leur pays d’origine après le règne de « l’Empereur » Bokassa Ier ne leur permettant pas d’y faire un stage digne de ce nom. Le thème choisi par l’un d’entre eux est : « La formation des vulgarisateurs agricoles au Sud du Sahara ». Bigre, c’est un sujet des plus vastes compte-tenu de dispositifs de formation qui sont très différents entres zones francophones, anglophones et lusophones, mais aussi selon l’histoire propre à chacun des quarante et quelques pays de la région ! 

 

A cette première surprise s’en ajoute une autre, notre candidat a invité tous les personnels et élèves de l’établissement à venir assister à sa prestation. C’est tout à fait possible sur le principe, les prestations étant publiques, mais assez malcommode, car la salle, trop petite, est littéralement envahie : professeurs et élèves sont assis sur le sol ou debout contre les murs. Tout cela ne favorise pas le calme et la sérénité nécessaires au bon déroulement du jury, mais enfin...

 

Après avoir rappelé quels sont les objectifs et le déroulement de l’épreuve, rappel d’autant plus indispensable qu’il apparait nécessaire de maîtriser les mouvements du public, je passe la parole à l’impétrant lequel vient se planter devant les membres du jury en s’adressant à la salle, comme s’il était dans un prétoire ! Et, il s’y croit. Il s’adresse à nous comme s’il défendait une juste et noble cause, celle de tous les vulgarisateurs agricoles au Sud du Sahara peut-être ? Il fait les cent pas, ses notes, qu’il ne regarde d’ailleurs plus, à la main, hausse le ton, subjuguant le public par ses qualités de tribun et, dans une formidable envolée lyrique il conclut sa présentation par un magistral : « ... et j’espère, messieurs les jurés que vous m’acquitterez ! ». Tonnerre d’applaudissements. A l’applaudimètre, il est manifestement acquitté et nous n’avons plus qu’à le relâcher.

 

Je remets, comme je le peux, un peu d’ordre dans le déroulement du jury en demandant au public d’être plus discret et aux membres du jury de passer à la phase des questions au candidat sur son travail. Certains des membres du jury semblent souhaiter critiquer le travail de l’impétrant qui doit les exaspérer un peu par ses attitudes. La première question porte évidemment sur les compétences du candidat pour traiter d'un sujet aussi vaste. Un grondement sourd parcourt le public, m’obligeant à faire un nouveau rappel à l’ordre. A chacune des questions suivantes, même murmure réprobateur dans la foule et même facilité du candidat qui ne démonte pas. Je vois le moment où nous allons nous faire écharper par la foule ! Les autres membres du jury aussi d’ailleurs, car après la troisième question, les suivantes deviennent tout à fait anodines laissant aux enseignants français le soin de critiquer le travail effectué ce qui est, il faut bien l’avouer, plus facilement accepté par le public. 

 

Enfin, nous concluons la séance des questions et demandons au public de sortir pour que le jury puisse délibérer sereinement. Ni le candidat ni les élèves ne l’avaient envisagé ainsi, pensant sans doute que la collation du titre était acquise dès la fin de la présentation du mémoire. Je dois m’y reprendre à trois fois pour obtenir l’évacuation de la salle, aidé efficacement en cela par le postulant qui, grand seigneur, invite tout le monde à boire le champagne à la cantine de l’établissement ! Le jury délibère longuement prenant en compte le travail d’étude mais aussi la présentation de la leçon d’enseignement pratique qui portait sur la culture du caféier, un cours clair, attrayant, agrémenté d’une projection de diapositives. 

 

Reste ensuite à annoncer les résultats. Dans la salle de la cantine, professeurs et élèves attendent sagement le jury, peut-être plus dans l’espoir de boire du champagne et de participer au repas qui doit suivre que pour le contenu de la délibération ? J’annonce donc publiquement la réussite de l’impétrant qui court immédiatement déboucher LA bouteille de champagne. Car il n’y a qu’une seule et unique bouteille pour la centaine de personnes présentes ! Heureusement, comme le champagne n’est pas très frais, le candidat réussit le tour de force de distribuer un peu de mousse à tout le monde dans des verres de cantine [1]. Il complète heureusement avec des bouteilles de bière.

 


[1] Plus tard, j’apprendrai que notre ancien étudiant a fait son chemin. Il sera député à l’assemblée nationale de son pays, porte-parole du Président de la République Ange-Félix Patassé, lui-même ancien élève de l’Ecole d’Agriculture Tropicale de Nogent-sur-Marne. Décidemment ce candidat avait des dispositions pour faire de la mousse ! (note de 2018).

 

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