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Notes d'Itinérances
1 décembre 2018

Tchéquie - Prague / Matička (16/25). Quelle architecture contemporaine à Prague ?

Un renouveau architectural pragois ?

 

 

Les bâtiments de l’époque « socialiste » ne sont souvent pas très heureux ! Le nouveau bâtiment du musée national, ex-siège de l'Assemblée nationale fédérale tchécoslovaque (1972, Nové Město / Vinohradská) se voulait futuriste, mais le bâtiment est anguleux, sombre, surmonté d’un étage en passerelle. La Nová Scéna (1983, Nové Město / Národní, n°4) est une extension du théâtre national qui comprend une salle de spectacle et un foyer ; le choix de décorer ce bâtiment de pavés de verre était novateur mais la forme très massive du bâtiment et sa couleur, un brun marron, l’étaient beaucoup moins. Enfin la tour de télévision, de 216 mètres de haut (1988), posée sur la colline de Žižkov, ressemble vaguement à une fusée spatiale accolée à sa plate-forme de lancement. 

 

Fallait-il donc renier à ce point l’histoire, symbolisée par les exubérances arrondies et colorées du baroque, pour proposer des monuments aussi anguleux et ternes pendant l’époque socialiste ? Comme si toute véritable originalité était impossible dans cet Etat socialiste d’un conformisme maladif, comme si Prague avait voulu symboliser la vision qu’avaient les pays capitalistes du socialisme : un monde froid, sombre et blafard. Si le centre-ville a été à peu près préservé des produits d’une architecture sans imagination et sans crédits, les banlieues de Prague étalent sur des kilomètres les cités HLM de couleur grise, triste succession de boites posées perpendiculairement, entourées d’espaces verts rachitiques et de zones en déshérence. Même le métro semble en deuil : murs gris ou noirs, sans tâches de couleurs. Certes, nos banlieues ont aussi largement partagé ce rationalisme triste à pleurer !

 

 Mais qu’était alors devenue la Prague des premiers soirs de printemps où« l’air est d’une fraîcheur humide qui se pose doucement sur toutes les couleurs et les rend plus lumineuses et plus semblables les unes aux autres. Les claires maisons du quai ont presque toutes pris la teinte pâle du ciel, et seules les fenêtres tressaillent de temps en temps dans une luminosité chaude et, réconciliées, s’éteignent au crépuscule, lorsque le soleil ne les dérange plus » [1] ? Dans cette Bérézina de l’architecture du socialisme réel, seules surnagent quelques réalisations. Le pavillon de l’exposition universelle de 1958 à Bruxelles, un bâtiment de forme courbe, sur pilotis, léger, transparent et original, « Grand prix du meilleur pavillon de l’exposition », lequel a été remonté partiellement sur la colline de Letná. Privatisé, délabré, il a finalement été rénové. L’immeuble ČKD est également intéressant en s’intégrant dans l’avenue piétonne Na Příkopě, l’ancien « Graben » des Pragois allemands (bas de la place Venceslas). Ses vastes baies vitrées sont compétées en façade par une horloge qui rappelle celle, 1930, d’un immeuble voisin. 

 

Après la chute du régime communiste, on pouvait espérer quelques innovations. Il y en eut, de remarquables, comme l’immeuble connu sous le nom de « Ginger Rogers et Fred Astaire » des architectes tchèque Vlado Milunićet canadien Frank Gehry (1995, Nové Město / Rašinovo nábřeží, n°80). Tout en respectant l’alignement des immeubles fin XIXe situés le long de la Vltava, l’immeuble introduit un élément de perturbation par la confrontation de deux volumes, l’un massif et droit, l’autre aérien, transparent et ondulé, faisant immanquablement penser à un couple de danseurs, le cavalier droit et raide et sa cavalière souple et faisant tourbillonner sa robe. Avec l’expansion du capitalisme, les centres commerciaux se sont installés dans Nové Město comme le complexe Myslbeck (1996) sur l’avenue piétonne Na Příkopě, ou le Shopping Centre Quadrio sur la Spálená. Fonctionnels certes, mais assez conventionnels. L’époque contemporaine est aussi, hélas, capable du pire comme l’hôtel « Don Giovanni » (1994, Vinohradská), une espèce de château fort flanqué de tours, parfaitement clinquant et destiné manifestement à une clientèle de nouveaux riches.

 

En 2017, le site de la ville de Prague suggère d’aller visiter de nouvelles réalisations architecturales : la Bibliothèque polytechnique nationale (2009, Dejvice / Národní technická knihovna), le chemin de la Fosse aux cerfs et son prolongement par un tunnel pour piétons (2002, Malostranské náměstí), le site du bastion XXXI (2011, Hlavní Město / Horská ulice), une création moderne dans un cadre historique, « l’Ange d’or » (Zlatý Anděl, 2001, Smichov) de Jean Nouvel et le palais Euro (en bas de la place Venceslas). Monuments que je n’ai pas eu le temps de voir lors de ma dernière visite, ou pire, pas du tout remarqué comme le palais Euro !

 


[1] Rainer Maria Rilke. « Histoires pragoises ». 1929.

 

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