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Notes d'Itinérances
5 mai 2019

Chronique burkinabée - 1990 / 2005 (3/32). Première arrivée à Ouagadougou.

L’espoir d’une nouvelle politique en Afrique

 

 

Ouagadougou, un nom aux consonances un peu magiques, féériques, mystérieuses, évoquant l’ailleurs, l’Afrique de nos rêves… 

 

Le Burkina-Faso est un vaste plateau situé à 300 mètres d’altitude, au relief monotone, juste un léger moutonnement. Le climat est tropical soudanien avec une longue saison sèche de novembre à mai et une courte saison des pluies de juin à octobre. L’Harmattan, vent chaud et sec, souffle de mars à mai. Le pays compte une soixantaine d’ethnies, mais les Mossis composent la moitié de la population. C’est une ancienne colonie française dénommée Haute-Volta au sein de l’Afrique-Occidentale. Elle fut dissoute en 1932, ses territoires répartis entre ceux du Soudan français, du Niger et de la Côte d’Ivoire, puis recréée en 1947 [1] avant d’accéder à l’indépendance en 1960. Dans les années 80, c’est un des pays les plus pauvres du monde avec un Produit Intérieur Brut par habitant d’environ 250 $ US par an (statistiques du FMI) [2].

 

En descendant de la passerelle, dans la chaleur de la nuit, c’est à cela que je pense et à l’histoire récente de ce pays où, le 4 août 1983, un groupe de jeunes officiers a accédé au pouvoir sans effusion de sang. Sous la direction du capitaine Thomas Sankara,  ils ont l’ambition d’instituer une véritable démocratie, basée sur une politique extérieure anticolonialiste et une politique intérieure s’appuyant sur les paysans, les femmes et les organisations syndicales. Pour marquer ce nouveau départ, le pays est débaptisé et il devient, en août 1984, le « Burkina-Faso », le « Pays des hommes intègres » ! 

 

Thomas Sankara n’était pas un inconnu.  Populaire suite à son comportement dans la guerre de 1974 avec le Mali, il est Secrétaire d’Etat à l’Information en 1981 dans un gouvernement militaire dont il démissionne en réaction à la suppression du droit de grève et en s’écriant à la télévision, en direct : « Malheur à ceux qui veulent bâillonner le peuple » ! Un nouveau coup d’Etat a lieu en 82 qui l’investit Premier Ministre en janvier 1983. Il se prononce pour la rupture du lien néocolonial entre la Haute-Volta et la France ce qui lui vaut d’être limogé et emprisonné en mai 83. C’est son ami Blaise Compaoré qui organise le coup d’Etat du 4 août, le libère et il devient président du Conseil National Révolutionnaire.

 

« Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que, sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance » [3]

 

Suite à des dissensions au sein du Conseil National de la Révolution, Blaise Compaoré s’empare du pouvoir en 1987. Le putsch sera sanglant et le capitaine Sankara y trouvera la mort. La nouvelle ligne politique n’est plus d’un anticolonialiste militant, même si le pays conserve une réputation d’indépendance, de dignité morale et d’ouverture, choses si rares dans les pays en développement [4].

 

Ouaga est alors une ville que je ne connais pas et où je n’ai aucune relation. Par précaution, j’ai réservé une chambre dans un hôtel de catégorie internationale. A la sortie de l’aéroport, c’est l’habituelle bousculade des aéroports africains, « Taxi, Monsieur ? », « Hôtel, Monsieur ? », mais sans excès, sans virulence et avec bonhomie ; les petits porteurs et les chauffeurs ne sont pas trop collants. 

 


[1] Ces tribulations de l’administration coloniale ne sont pas pour rien dans les contentieux frontaliers entre Burkina-Faso et Mali (1974 et 1985) et les transferts de population entre Burkina-Faso et Côte d’Ivoire partiellement responsables de la guerre civile ivoirienne de 2002 à 2007 (2018).

[2] Soit, avec l’inflation, environ 700 $ de 2015. A noter que, selon les statistiques du FMI, le Produit Intérieur Brut par habitant est de 631 $ en 2015 ! (2018).

[3] Thomas Sankara. Discours aux Nations unies du 4 octobre 1984.

[4] Par la suite, la situation devait évoluer dans un autre sens, vers un retour à une « normalité » postcoloniale ! Blaise Compaoré s’est accroché au pouvoir pendant 27 ans, à coups de violences policières, avant d’être à son tour destitué le 31 octobre 2014 à l’issue de 48 heures de manifestations populaires qui ont fait 24 morts. Les résultats de l’enquête sur la mort de Thomas Sankara, dévoilés en 2015, montrent que, lors du putsch de 87, le « Père de la révolution burkinabé » avait été abattu froidement alors qu’il s’avançait mains en l’air (2018).

 

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