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Notes d'Itinérances
17 mai 2019

Chronique burkinabée - 1990 / 2005 (9/32). Se déplacer à Ouagadougou.

Les taxis ouagalais - Modes d’utilisation et tarifs

 

 

[1]           Les transports publics existent à Ouagadougou, car on voit en effet, de temps à autres, passer de vieux bus indiens poussifs. Mais il n’existe pas de plan du réseau, ni même d’arrêts bien identifiés. Quant à la fréquence, elle apparaît très aléatoire. Le moyen le plus sûr de se déplacer consiste donc à prendre un taxi. De couleur verte, ils sont faciles à repérer. Il suffit de se poster au bord de la route et de héler chaque taxi qui passe. Trois solutions. La première : le taxi ne s’arrête pas, c’est qu’il est déjà plein ou qu’il a d’autres choses à faire. La seconde : il s’arrête et vous négociez avec le chauffeur en lui précisant où vous souhaitez aller ; mais il ne va pas dans cette direction et vous passez votre tour. La troisième : il va dans cette direction et il vous prend, avec les autres passagers qu’il dépose l’un après l’autre, tout en chargeant d’autres clients au fur et à mesure. Coût de l’opération : deux à trois cents francs CFA selon la longueur de la course si vous êtes Africain ; cinq cent ou mille francs si vous êtes Européen. Une course en taxi est l’occasion de rencontrer de nombreuses personnes et de visiter la ville, car vous allez rarement directement à votre destination. 

 

Il existe une autre solution, pour ceux qui n’ont pas la patience d’attendre, ou qui veulent toujours disposer d’une voiture : celle de louer un taxi à la demi-journée ou à la journée. Pour utiliser cette solution, il faut d’abord consentir à perdre du temps en palabres pour définir le prix. Attention de bien spécifier si le prix comprend ou non l’essence ! Sinon le taxi aura tôt fait de vous arrêter devant une pompe en vous réclamant un billet de mille francs CFA. En règle générale, les chauffeurs préfèrent négocier sans l’essence, en vertu de quoi, chaque matin, lors de la première course, il convient de faire un détour par la station-service la plus proche car la jauge est à zéro. Pour huit mille francs sans l’essence, ou pour dix mille avec, vous avez droit à une vieille 4L, une R 12 fatiguée ou une 404 déglinguée : sièges défoncés, pneus lisses, vitres ne s’ouvrant plus, ou au contraire ne se fermant plus, porte condamnée. Ceci pour la partie visible de l’iceberg. La mécanique est à l’avenant et se rappelle régulièrement aux bons soins du conducteur en refusant de démarrer, en grinçant abominablement, en calant au milieu des carrefours, en nécessitant de débrayer tout en accélérant, etc. Pour un petit taxi, être loué à la journée est plutôt une bonne aubaine, car c’est l’assurance d’une rentrée régulière d’argent sans avoir à faire beaucoup de déplacements, car vous n’avez que deux à trois rendez-vous dans les quartiers centraux par demi-journées. Le reste du temps, votre taxi peut même continuer à faire des courses pour d’autres personnes. Aussi le contrat, verbal bien entendu, est-il scrupuleusement respecté, le taximan est toujours à l’heure pour venir vous chercher.

 

Pour un petit peu plus cher, quinze mille francs CFA, vous pouvez louer un « grand » taxi. Une voiture un peu plus grosse, type 504 Peugeot, qui n’est pas peinte en vert, respectant ainsi votre anonymat. Pour le reste, confort et mécanique, c’est équivalent aux petits taxis ! Si vous êtes très riche, vous pouvez prendre une voiture de location, un 4x4 japonais en général, avec chauffeur. Il vous en coûtera de 30 à 35 000 francs par jour, mais la mécanique et le confort sont garantis.

 

Après quelques jours, une certaine familiarité s’établit avec votre chauffeur. Celui-ci vous parle de sa famille et vous devez en faire autant car, apprendre à connaître quelqu’un en Afrique, c’est découvrir sa famille : s’il est marié, s’il a des enfants, combien, de quels sexes et de quels âges, ce que fait sa femme, etc. A cette occasion, vous découvrez aussi comment vivent les burkinabés. L’un de nos conducteurs de taxi, a d’abord travaillé comme chauffeur d’un vieil homme assez riche. A sa mort, celui-ci lui a légué une petite somme d’argent pour s’acheter une voiture d’occasion qu’il est allé chercher sur les ports du Nigeria ou du Bénin, et qu’il utilise encore. Les chauffeurs de taxi gagnent très peu d’argent, juste de quoi vivre, mais jamais assez pour entretenir et remplacer le véhicule. Quand celui-ci est à bout de souffle, s’ils ne font pas un petit héritage, ou s’ils ne peuvent emprunter à la famille, ils devront travailler pour un propriétaire privé qui exigera d’eux des montants journaliers de location élevés et auprès duquel ils finiront par être constamment endettés. Pour essayer de diminuer les risques, notre chauffeur s’est associé avec un voisin, chacun possédant son propre véhicule, mais se le prêtant réciproquement quand l’un des deux est immobilisé pour réparation. La voiture roule alors toute la journée avec les deux chauffeurs en alternance afin de permettre à chacun de continuer à gagner sa vie. Nous n’avions pas compris tout de suite cet accord et étions étonnés, les premiers jours, de passer d’un conducteur à un autre mais toujours dans le même véhicule déglingué !

 


[1] Damien Glez. « A Ouaga, les deux roues ne font plus la loi ». SlateAfrique. 11/09/2012.

 

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